Wolf ALICE est né à Londres : la chanteuse et guitariste Ellie Rowsell et le gratteux Joff Oddie se réunissent autour de ce nom emprunté à une nouvelle littéraire, tout un programme. Rapidement, le duo change de peau en recrutant Theo Ellis à la basse et Joel Amey à la batterie, et à partir de là, on ne sait pas trop si la meute compte nous murmurer des berceuses ou nous assommer avec une tempête de rock alternatif. My Love Is Cool est un peu des deux à la fois car leur style est de ne jamais vraiment tenir en place.

La version deluxe du disque pousse un peu le vice puisqu’on passe de 12 à 25 morceaux, un double album déguisé qui ne faiblit pourtant que très rarement en intensité. Loin d’être une simple collection de fillers sans intérêt, ce supplément prolonge l’univers de Wolf ALICE avec brio. Par exemple, "90 Mile Beach" est un titre sublime où Ellie chante comme une fée fatiguée sur un tempo lent et éthéré avant d’embrayer sur un final instrumental de presque deux minutes où les guitares fendent l’air dans une ambiance psychédélique.

Plusieurs morceaux s’ancrent dans une veine plus folky, quasi acoustique, rappelant les débuts du groupe. De jolies ballades cotonneuses comme "Heavenly Creatures" et "I Saw You (In A Corridor)", à des productions à l’électronique discrète telles que "Soapy Water" et "We’re Not The Same" en passant par des chansons qui se transforment sur un crescendo subtil comme "Baby Ain’t Made Of China". Je retiens en particulier "Turn To Dust", une comptine hallucinée où la voix d’Ellie semble irréelle. Un autre morceau condense à lui tout seul le mystère de Wolf ALICE : "Silk" avec sa basse rampante et cette batterie qui tape sans urgence en nous laissant rêver un peu.

Mais que l’on ne s’y trompe pas, la meute excelle aussi en dehors des accalmies. Fidèle à son nom, Wolf ALICE sait aussi griffer en balançant des titres rock bien nerveux sur "Fluffy" et "You’re A Germ", extatique et distordu dans "Your Loves Whore", limite punk comme le single "Giant Peach", un carnage violent où les riffs explosent et où la batterie se déchaîne. On apprécie aussi les refrains massifs et orageux du single "Lisbon", un déferlement qui se différencie de "Freazy", un morceau presque pop dans l’âme avec sa basse chaloupée, ce groove léger et ce chant désinvolte qui se promène sur un fil tendu.

Au milieu de ces assauts grunge et de ces tempêtes de fuzz, "Moaning Lisa Smile" se démarque aussi par son petit côté décadent et son énergie furieuse. Pourtant, My Love Is Cool n’est pas un album parfait car certaines chansons me parlent moins, comme la ballade "Swallowtail" chantée par Joel que je trouve un peu hors sujet, ou encore "Every Cloud", presque trop évanescent pour un disque aussi puissant.

Malgré quelques petites faiblesses, My Love Is Cool reste un excellent premier album qui n’hésite pas à plonger dans l’excès en me surprenant toujours quand je m’y attendais le moins et pour ça je lui donne un bon 4. Franchement, ça en jette, c’est stimulant et surtout, on sent une meute qui s’est visiblement trouvée, capable d’explorer ses contrastes en rendant toujours l’écoute passionnante.