All Bitches Die sera, j’en suis sûre, une écoute bouleversante pour tous, et pour certains, le miroir brutal d’une colère trop longtemps muselée, dont l’intensité est ici sans compromis. La voix écorchée de Hayter fait écho à cette douleur qui n’est rien d’autre que le produit d’un monde sans pitié. Sublime de tension, la musique de Lingua IGNOTA se veut aussi oppressante que ses bourreaux : les instrumentations grondent alors que la voix puissante de Hayter se déchire et nous lacère.

Le pathos est omniprésent dans les paroles de cet album qui résonneront avec ceux qui ont connu l’abus. Lorsque Hayter déclare Oh sinner, you’d better get ready/For time is coming that the sinner must die sur la chanson titre "All Bitches Die (All Bitches Die Here)", il ne s’agit pas d’invectives creuses mais de l’expression de ses traumatismes, d’une souffrance qui ne s’oublie pas. Réduite au silence et à l’effacement, la rage brute d’Hayter s’épanouit dans la violence sonore de ce disque.

Plus qu’un album, All Bitches Die sonne comme un pas vers la guérison. Un des moments les plus forts de ce projet est sans nul doute le premier titre, "Woe To All (On The Day Of My Wrath)", entre cris d’une férocité folle et choeurs obsédants ; un titre sur lequel Hayter ne se détourne pas de son passé mais revient dessus pour mieux le surmonter (My master pulled me from my bed/Ripped every curl from out my head/Held me down to strip me bare/Said « Hell is real, I’ll take you there »).

Tant de moments qui frôlent l’indescriptible, alors la guerre personnelle qu’est All Bitches Die s’écoute en solitaire, tout comme la vacuité résultant de l’expérience de l’abus. Aussi lumineux que noir, cet album qui prend aux tripes - autant dans le choc que dans la prise de pouvoir, la révolte et la revendication du droit à la parole - est un acte de survie, comme un cri pour toutes les victimes : vous n’êtes pas seul(e)s.