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Jacques HIGELIN - Irradie (1975)
Par RAMON PEREZ le 27 Septembre 2018          Consultée 2402 fois

On a souvent entendu que BBH75 était le premier album d’un certain rock en français. De mon opinion, cet album contient pourtant davantage des touches rock, des intuitions. Bientôt confirmées sur Irradié, le vrai album rock de Jacques HIGELIN. L’accueil se fait par un riff cinglant, du genre à sentir le cuir, le cambouis, la clope et autres. Une odeur qui ne disparaît pas de la première face, mais se fait plus discrète dans la seconde. Ambiance loubards de la fin des années 70. Du cuir, des jeans et des santiags, des heures à réparer les bécanes dans les garages. Ce sera une figure de cette époque, dans des versions exagérément sombres (Starmania) ou gentiment décalées (RENAUD). Ici, on a l’impression d’avoir à faire à la version originale, le premier modèle.

C’est peut-être pour cela que certains disent d’HIGELIN qu’il fut le premier rocker tricolore. Disons qu’il fut en tous cas l’un des premiers à proposer autre chose qu’un réchauffé du rock fifties (ça c’est pour Johnny, le twist et le yéyé) et à prendre le genre au sérieux, contrairement à MARTIN CIRCUS ou AU BONHEUR DES DAMES pour citer les contemporains. Notamment en sortant des textes avec une vraie ambition poétique. « La fille au cœur d’acier » peut ainsi s’entendre à différents niveaux ; la mise en garde d’un pote à un autre contre une nana difficilement fréquentable ou bien, comme l’a pensée l’auteur, contre la tentation de la piquouse, trop présente à cette époque et dans ce milieu.

Rock aussi l’interprétation du chanteur qui fout une énergie de dingue dans tous ces titres. Joue et surjoue de sa voix enrouée, voire destroy par moments. A quelques exceptions près, il n’est pas question d’essayer de chanter ça comme lui. D’ailleurs, est-ce vraiment chantable ? C’est un style à lui seul qu’il saura par la suite largement épurer et amener dans d’autres registres.

La singularité de ce disque tient encore dans sa dimension collective. Depuis BBH, le batteur a changé et un second guitariste est venu renforcer Boissezon. Pendant un temps, HIGELIN tourne avec ce groupe : SUPER GOUJATS. L’expérience ne lui convient pas longtemps (aucun de ces musiciens ne participe à Alertez les Bébés). Sans-doute le cadre collectif était-il trop contraignant pour sa créativité (et son égo). Irradié est donc le témoignage de cette bande éphémère et contient toute la cohérence sonore d’un groupe. Ce qui, à l’arrivée, reste assez unique dans cette discographie.

Au fait, je ne vous ai pas dit le nom du second guitariste. Louis Bertignac. Il fait ici ses premiers pas de musicien pro, après avoir croisé HIGELIN par hasard et été embauché aussi sec. Insouciance de débutant, lorsque le chanteur lui demande des musiques pour faire de nouveaux titres, il répond qu’il en a puis improvise un riff. HIGELIN prend note, part écrire un texte et revient quelques minutes plus tard avec « Un œil sur la bagarre ». Expérience réitérée avec « Le courage de vivre », qui sonne clairement comme du TELEPHONE avant l’heure, mais encore un peu mécanique pour pouvoir figurer dans les grands moments du disque.

Au-delà, Bertignac pose sa signature en parsemant l’album de riffs fort divers, complétant admirablement les efforts de son collègue Boissezon. Le côté prog de « L’hymne aux paumés », la petite phrase de « L’ange et le salaud » ou l’intro de « La fille au cœur d’acier » offrent d’autres palettes que les cinq titres purement rock. Sans oublier les deux ovnis qui concluent chaque face.

« Ballade pour un matin » tranche en effet avec le reste du disque par son apaisement. C’est la nature qui s’éveille, avec une simple mélodie au piano et un chant reposé. C’est l’esprit du château d’Hérouville où le disque fut enregistré. Un endroit qu’HIGELIN habitera bientôt mais qui amène déjà ses ondes positives. Avant BBH, le chanteur avait vécu en communauté au fond de la Provence et le retour à la vie parisienne et aux tournées avait été compliqué. Il a souvent exprimé le besoin d’air qu’il ressentait à cette époque et qu’il a trouvé dans ce lieu. Un avant-goût de la fraîcheur des albums suivants.

Parlons enfin de la chanson titre, si particulière au sein de ce disque et plus généralement de l’œuvre de Jacques HIGELIN. Composée par le batteur qui a jugé bon de ne pas mettre de batterie mais plutôt une batterie de percussions, le morceau te chope et te charme tel le serpent. Te plonge dans des songes de plus en plus forts, fait monter l’extase en quelques minutes, en ajoutant de plus en plus d’instruments. Puis te retire tout progressivement, ralentit le rythme et termine façon Kubrick, perdu dans une galaxie psychédélique. Bien-sûr, HIGELIN a écrit des titres importants pour notre culture commune et s’est payé quelques tubes. Mais, s’il avait fallu n'en garder qu’une, il y a fort à parier qu’il aurait choisi celle-là tant il l’a jouée (presque) à chaque concert, triturée dans des versions atteignant parfois la demi-heure. Son « Sunday bloody Sunday », sa carte d’identité. Ce qui est resté de ce disque une fois la vague rock refluée. Un disque qui, s’il n’a pas vraiment de suite, reste un incontournable pour qui veut comprendre ce grand personnage.

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   RAMON PEREZ

 
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- Jacques Higelin (claviers, chant)
- Simon Boissezon (guitares, basse)
- Louis Bertignac (guitares)
- Patrick Giani (batterie)


1. Rock In Chair
2. Oh Fais-moi L'amour
3. Mon Portrait Dans La Glace
4. Un œil Sur La Bagarre
5. Irradié
6. L'ange Et Le Salaud
7. La Fille Au Cœur D'acier
8. L'hymne Aux Paumés
9. Le Courage De Vivre
10. Ballade Pour Un Matin



             



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