Evangelos Papathanassiou est un peintre, un modeleur, la couleur pour les mélodies, la glaise pour le rythme, et son plus bel atelier fut le studio Némo à Londres. Il y sculpta ondes rythmiques et fresques chromatiques qui gravèrent son style pour longtemps. Un lieu idéal pour la rencontre avec un robuste compagnon de 91 kilos. Ce mastodonte analogique intègre la polyphonie et de nombreuses possibilités de modelage du son, ce qui à l'époque nécessite un encombrant enchevêtrement de fils de cuivre où se tapit une multitude de composants électroniques de formes et dispositions variées. Tout cela est soigneusement replié au cœur de la bête qui surchauffe parfois à s'en désaccorder. Cela fait de ce monstre un ami de studio, exclusivement, et une passerelle merveilleuse entre l'esprit et la matière. Le Yamaha CS 80 et l'utilisation qu'en fit VANGELIS mériteraient tout un chapitre dans la vie artistique du compositeur. Sa présence est massive en ces lieux. Entre master class et recherche fondamentale et, au loin ,l'écho d'un rire facétieux.

VANGELIS fut évidemment le premier à sourire de cette farce. N'empêche, s'il improvise ce florilège de chaos sonore labyrinthique en se gaussant d'une certaine intelligentsia contemporaine, il se prend un peu à son propre jeu et il nous piège autant que lui en quelque sorte, car il le fait bien publier ce disque. Il faut le recevoir comme un exercice de style, une expérimentation, comme en faisait VARESE ou STOCKHAUSEN. Ici, trouver un sens, une mélodie c'est comme chercher un scénario dans le Silmarillion de Tolkien, en voulant y trouver la même substance et le même souffle que dans l'épopée ô combien narrative du Seigneur des anneaux.

Bienvenue à Beaubourg, mesdames et messieurs, qu'il soit en volume ou en musique, ce lieu était peut-être un malentendu au départ, un quiproquo entre artistes officiels et leurs cousins politiciens, mais le hasard créateur a pris les rênes et voici qu'une œuvre est née, signifiante de son temps, un concept certes, mais qui, comme ici, a la politesse de ne point s'appuyer sur un discours. Chacun la perçoit à sa manière pour peu qu'il veuille bien faire l'effort de vouloir accéder à cette architecture fantasque et irréelle autant qu'abstraite. Les sarcasmes et l'ironie dont cet opus fit l'objet sont en fait contenus en lui-même.