Histoire de patienter avant la sortie à la mi-juin du «très attendu» dix-neuvième album studio de Rush, parlons un peu de son single éclaireur, «Headlong Flight». Il ne faut pas se méprendre sur le sens de la note attribuée : Cette chanson est très bonne mais on peut se poser la question de l'intérêt de l'avoir sortie en single, si ce n'est justement le fait de mettre un extrait sous la dent des fans.

Stylistiquement, Rush semble avoir trouvé une recette stable depuis quelques disques. Test for echo, Vapor Trails, l'EP de reprises Feedback, et Snakes & Arrows présentent un son très semblable. Un hard rock héroïque, jouant beaucoup sur les aigus et la résonance, avec souvent, pour le chant, des chœurs en quartes ou en quintes donnant un effet harmonique médiéval plutôt creux. On doit s'attendre à la même chose pour Clockwork angels, sur base du single d'il y a deux ans – «Caravan» et «BU2B» - et de ce «Headlong flight».

Aucune vraie surprise en vue, bien que cet album s'annonce plus ambitieux que les précédents. Sur les trois extraits connus, on constate des arrangements très tendus, surtout au niveau de la batterie de Neil Peart. Celui-ci a clairement annoncé que, au niveau des textes comme de la batterie, il a mis les bouchées doubles. Et en effet, Clockwork angels sera un album concept, l'histoire d'un personnage dans un environnement steampunk.

Ce qui nous amène au problème de «Headlong flight». Ce morceau sera sans doute épatant dans l'élan du disque, mais extraire un single d'un concept a toujours été un pari risqué. Dans le cas de «Caravan», il n'y avait pas trop de problème, vu qu'elle sera l'ouverture de l'album (et «BU2B» la deuxième chanson, dans une version un peu plus longue apparemment). Par contre, «Headlong flight» viendra environ aux deux tiers, dans le feu de l'action. Comme single, elle paraît fort monotone, et il lui manque clairement une bonne coda.

Que peut-on dire sinon ? Il faut savoir que cette chanson a d'abord été composée comme un instrumental. Ensuite, ils ont trouvé que cette musique convenait bien à un texte donné et ils l'ont adaptée. Cependant, les caractéristiques habituelles des instrumentaux de Rush sont effectivement présentes. La monotonie de la mélodie, au rythme asymétrique complexe, contrastant avec l'arrangement très évolutif et démonstratif, rapprochent nettement «Headlong flight» de morceaux comme «Limbo» ou «The main monkey business». Précisons encore que le groupe affirme avoir pris beaucoup de plaisir à écrire et interpréter ce titre, ce qui est sans doute la raison première de sa sélection.

Alors, qui aura l'idée d'acheter le single ? La pochette de Hugh Syme a beau être très soignée (et très «Dream Theater»), il vaut décidément mieux attendre la sortie de l'album, dont j'espère naïvement que le niveau sera légèrement supérieur à ceci. C'est par contre une bonne idée d'entendre cette petite démonstration de force sur sa plate-forme favorite. Sept minutes de vrai rock 100% pur Rush, une chanson qui ne révolutionnera pas le genre mais qui réjouira forcément le fan frustré par les trop longues attentes qu'impose le groupe depuis quinze ans.