L'attrait de nos ingénieurs-musiciens allemands pour l'objet vélo (et sa pratique) ne date pas des années 2000. Déjà en 1983, un single nommé "Tour de France" (présentant d'ailleurs une pochette quasiment identique à celle de cet album sorti 20 ans plus tard), issu des sessions de l'album avorté Techno Pop, pouvait nous le laisser entrevoir. Mais ce n'était qu'un prototype, la firme germanique n'était pas encore prête au lancement de produit sur le marché electro mondial.

20 ans plus tard, après avoir quelque peu déserté le devant de la scène electro et n'apparaissant plus que de façon éphémère (citons l'anecdotique album The Mix en 1991), KRAFTWERK est sollicité pour composer différents jingles en vue d'habiller les retransmissions télévisées du Tour de France 2003.
2003 est l'année du centenaire du Tour de France, et à cette occasion, seront organisées nombre de festivités sportives en France durant toute l'année. L'édition du centenaire, organisée autour d'un parcours "historique" reliant entre elles les différentes grandes villes de la première édition de 1903 (Paris, Marseille, Bordeaux, etc...) sera évidemment gagnée par ce tricheur de Lance Armstrong, mais à l'époque la supercherie n'avait pas été découverte et le Tour 2003 n'était alors qu'un jalon de plus dans la carrière de l'Américain. Tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ce nouvel album de KRAFTWERK a donc été initialement publié sous le titre "Tour de France Soundtracks", ce qui nous renvoit directement à la raison d'être première de l'opus. Mais ce nouvel LP est également un véritable album studio à part entière, que KRAFTWERK a brillamment défendu en live (et continue de défendre encore à l'heure où j'écris ces lignes), et non une simple BO alimentaire. Et pour couronner le tout, cet album est une véritable réussite artistique, à classer sans nul doute parmi ses meilleurs opus.

Sur cet album, KRAFTWERK nous ravit par une techno froide mais belle, d'une élégance rare, où tous les morceaux sont autant d'hymnes au sport et à l'exercice physique ("Aero Dynamik", "Elektro Kardiogramm", "La Forme", "Vitamin") qu'au spectacle même du sport sur les ondes des différents médias (ce dont parle la trilogie "Tour de France" et ses différentes étapes), ainsi qu'au matériel de cyclisme en lui-même ("Titanium").
L'album est un vrai condensé de tout le savoir-faire techno de nos amis allemands, qui nous livrent ici une musique savamment distillée, qui fait mouche à tous les instants, illustrant remarquablement bien le concept du sport dans sa totalité. Un pari loin d'être gagné d'avance pour KRAFTWERK, puisque depuis ses débuts le groupe apprécie surtout les concepts technologiques. Tour de France peut donc apparaître comme l'album assurément le plus "humanisé" de la carrière du groupe allemand.

Alors qu'aujourd'hui, dix ans plus tard, le classement général de l'édition 2003 a été honteusement effacé des tablettes de l'histoire du Tour et que Lance Armstrong doit assumer sa tricherie devant les tribunaux, que reste-t-il du Tour 2003 ? Rien, à l'exception peut-être de cet album de KRAFTWERK, ultime chef d'oeuvre de la firme de Düsseldorf et probablement l'un des meilleurs albums des années 2000.

Incontournable.