J’ai remarqué une chose à propos de cet album : c’est celui qui plaît le plus à ceux qui n’aiment pas trop NOIR DESIR (ou ce qu'ils en connaissent, du strict plan musical bien-sûr), tandis que ceux qui, au contraire, aiment bien leur côté mainstream ont tendance à le mettre de côté. C’est pour moi le signe le plus solide de son immense réussite. Moi qui aime l’œuvre des Bordelais par tous ses aspects, je te le dis : c’est un putain de disque ! Il nécessite pour sa compréhension d’avoir cette chose en tête : comme ce que fera NIRVANA peu après avec In Utero, il a été créé pour faire fuir le grand public. Celui qui les a pris pour un groupe de minettes avec leur chant de marin.

Le premier album était relativement volubile, avec beaucoup d’aération. Celui-ci sent la braise et la cendre. Un album en rouge et noir, d’une chaleur étouffante. Incandescent est le terme exact. Surtension permanente. Ou presque, car il y a cette "Chanson de la main" au milieu qui vient un peu casser l’atmosphère, bien qu’elle soit tellement défoncée qu’elle ne dépareille au fond pas tant que ça. Elle vient cependant mettre un terme à un enchaînement de titres absolument incroyables. Un mur d’introduction comme j’en connais bien peu d’autres, qui démarre piano avec cet arpège électrique grave pour arriver à la température d’un four capable de fondre tout l’or du monde.

L’harmonica de "Charlie" nous amène sous le soleil de plomb du désert ; "The Holy Economic War" traverse le no man’s land sous les bombes ; "En route pour la joie" chemine dans les plaines de l’enfer. Plus loin, "Tu m’donnes le mal" fait l’effet d’une visite dans un cratère volcanique en éruption, tandis que "Si rien ne bouge" regarde couler la lave à ses pieds. NOIR DESIR déroule ici sa peinture incendiaire la plus survoltée, qui me scotche toujours un peu plus à chaque écoute.

Et le reste du disque alors ? Ben, c’est à peu près pareil en fait, mais avec des contrastes plus tranchés. Ici intervient davantage la question du goût. Certaines choses sont plus facilement avalables, comme le plus pop "Pictures of Yourself". Enfin pop, on s’entend. C’est un peu comme ces bonbons doux et sucrés au début, mais qui sont pleins de poivre ou de piment au milieu et qui t’arrachent en fait bien la poire. L’album semble un temps trouver un apaisement avec le superbe "Elle va où elle veut" avant de nous envoyer dans la gueule son passage le plus hardcore au titre suivant. NOIR DESIR sort ses tripes du début à la fin et chaque musicien le fait avec une grande application, sans jamais se demander si c’est ce que l’auditeur veut entendre. Pour moi, ça tombe bien, c’est exactement ce que je voulais entendre !