Club Ninja a considérablement pâti des circonstances qui entourèrent son élaboration. Même la présence de Sandy Pearlman, manager et producteur initial du groupe, ne pouvait sauver l'intégralité des meubles. Sa production, typée années 80, demeure caractérisée par un son de batterie désagréable, en particulier sur "Shadow Warrior", et a mal vieilli, même si elle se révèle plus appropriée que l'enrobage sonore concocté par Bruce Fairbairn pour l'album précédent, le très FMiné The Revölution By Night (1983).
Le groupe, qui a perdu en peu de temps deux compositeurs de premier plan, semble à court d'inspiration et cela explique la présence envahissante d'auteurs extérieurs, en particulier Bob Halligan Jr., l'immortel auteur du piteux (Take These) Chains qui tirait déjà vers le bas le pourtant excellent Screaming For Vengeance (1982) de Judas Priest (1). Sa contribution à Club Ninja ne restera pas dans les annales, le moyen "Make Rock Not War" et l'inutile "Beat'em Up" relevant du remplissage pur et simple.
Le premier titre, "White Flags", signé Leggatt Bros (???), est pourtant étonnamment bon avec son riff sympathique et ses couplets accrocheurs magnifiés par le chant de Bloom.
Et le simili-tube "Dancin' In The Ruins", interprété par Roeser, chanson dont le rythme rappelle fortement celui de Burnin For You, son succès de 1981, fonctionne bien. Il ne s'agit pourtant pas d'une composition originale, celle-ci étant signée Larry Gottlieb / Jason Scanlon. "Make Rock Not War", pas déshonorant, fait figure de bouche-trou. Suit "Perfect Water", composition de Donald Roeser et de feu Jim Carroll, certainement la meilleure chanson du disque, en tout cas la plus évidente, petite merveille mélodique, magnifiée par un refrain irrésistible et par les parties de guitare si caractéristiques de Donald Roeser, l'un des guitaristes les plus scandaleusement sous-estimés de l'histoire du rock.
"Spy In The House Of The Night" clôt la face A et marque le début du ventre mou de l'album. On était en droit d'attendre davantage d'une collaboration entre Roeser et Richard Meltzer, éminent rock-critique et collaborateur de longue date du groupe. Quant au "Beat'em Up" qui ouvre la seconde face, il n'apporte rien à la gloire du groupe ou de ce qu'il en reste.
Les trois derniers morceaux relèvent sacrément le niveau et renouent avec la qualité des meilleurs titres de la face A.
Joe Bouchard et Sandy Pearlman ont composé "When The War Comes", à l'atmosphère inquiétante due à ses guitares distordues et à son intro déclamée par l'animateur de radio Howard Stern. "Shadow Warrior" - écrit par l'écrivain de fantasy Eric Van Lustbader - est plaisant mais c'est le dernier titre qui retient l'attention. "Madness To The Method", signé Donald Roeser et Dick Trismen, bénéficie d'une intro soignée à base d'arpèges inquiétants qui n'est pas sans annoncer celle de "Seasons In The Abyss" de SLAYER. On retrouve là avec plaisir le B.Ö.C torturé et malsain des débuts.
En définitive, cet infortuné Club Ninja ne mérite pas sa mauvaise réputation. On ne dénombre pas moins de six bons morceaux, dont quatre excellents ("White Flags", "Perfect Water", "When The War Comes" et "Madness To The Method").
Sorti au mauvais moment, en décalage total avec le hard US écervelé et festif qui prévalait alors, Club Ninja ne connut qu'un succès mitigé.
Pourtant, ce disque, certes loin d'être un chef-d’œuvre, ne mérite pas un tel dénigrement.
3,5/5.
(1) On lui doit aussi "Some Heads Are Gonna Roll", l'un des titres de Defenders Of The Faith (1984) de Judas Priest et "Rise To It" de Kiss (sur Hot In The Shade, en 1989).