Loin de moi l'envie ou l'intention de défendre un disque que j'ai écouté il y a maintes années déjà et que j'ai trouvé en effet assez infect.
Cela dit, le rejet de cette "oeuvre" de QUEEN doit être nuancé par les deux rappels suivants :
1) Flash Gordon est la B.O d'un film produit par De Laurentis, producteur qui n'est pas connu spécialement pour la sincérité absolue de sa cinéphilie, donc plus préoccupé de rendement que d'ambition artistique.
Qui dit B.O signifie que l'auteur de la musique ne l'a pas écrite avec l'intention de la publier. N'oublions jamais cette réalité : seulement un faible pourcentage de musiques de films voit les honneurs d'une publication sur disque. Bien entendu, les années 70, et surtout les années 80, ont vu la pratique se généraliser au point que les B.O sont devenues aujourd'hui des objets de culte et de passion chez beaucoup d'auditeurs le plus souvent avant tout cinéphiles, ce qui a développé bien évidemment ce marché somme toute très spécifique.
Il est des compositeurs comme John WILLIAM ou James HORNER qui se sont exclusivement consacrés à ce travail, sans jamais avoir l'ambition de devenir célèbres par leur musique, sans jamais non plus sans doute avoir été animés par une vision d'auteur, mais plutôt par la conscience de leur métier leur intimant de servir au mieux le film qui leur a valu la commande du réalisateur. Peut-on juger une commande comme on juge une oeuvre d'art ? Doit-on juger les B.O récentes de Nick CAVE comme on juge ses albums personnels ?
Doit-on considérer Flash Gordon comme une oeuvre de QUEEN qui s'inscrirait alors dans leur discographie sur le même niveau que leurs opus studio personnels ?
Je pense que là est la limite d'une chronique portant sur une B.O de film. Le commentaire d'une telle chronique doit s'appuyer forcément sur des critères différents de ceux appliqués sur les albums personnels de tel ou tel artiste ou groupe.
2) QUEEN a composé cette musique "repoussante", mais n'est-elle pas en harmonie avec l'aspect bisseux* du film en question ? QUEEN n'aurait-il pas fait preuve d'une suprême ironie à l'encontre d'un projet que personne à l'époque n'aurait pris réellement au sérieux ? Les films de super-héros adaptés de Comics (Marvell) occupent aujourd'hui le devant de la scène cinématographique et au-delà de leurs qualités intrinsèques, ne subit-on pas à longueur de temps des B.O insipides et interchangeables, certes pas aussi "infectes" que celle de Flash Gordon, mais cela n'en fait pas pour autant des exemples d'oeuvres artistiques incontestables.
Je pense que QUEEN a dû fortement s'amuser à composer ce nanar assez sidérant, même quand on le replace dans le circuit commercial d'une B.O. Loin d'avoir desservi le groupe, encore moins de l'avoir décrédibilisé, cela l'a rendu culte aux yeux des amateurs de nanars. Franchement, pensez-vous que Freddy Mercury et Brian May considèrent cette musique comme représentative de leur carrière musicale ? Ils devaient en rire au contraire.
De telles considérations m'empêchent de juger à sa juste valeur cette B.O, surtout quand on considère que la communauté des cultophiles a vu l'émergence dans les années 90 d'une ribambelle de jeunes cinéastes (dont Peter Jackson) réalisant des "nanars" volontaires, c'est-à-dire avec l'intention assumée d'en faire des nanars susceptibles d'être élevés au rang de films culte à l'égal de ceux du cinéaste Ed Wood considéré comme l'un des pires cinéastes de tous les temps. Il est vrai que les cultophiles ont centré leur culte sur les films et non sur leurs musiques, et c'est justement ce qui fait la singularité de la B.O de Flash Gordon, la seule B.O bisseuse * de l'histoire du cinéma.
* "bisseux" : adjectif créé de toute pièce à partir du mot "bis" désignant une catégorie de films réalisés et conçus en dehors de toute ambition artistique à seule fin de marcher sur les plate-bandes des succès du cinéma. Les Italiens, mais aussi les Allemands, ont nourri une forte densité de cinéastes évoluant dans le circuit du bis, équivalent en quelque sorte du circuit X, et regroupant des films élevant le mauvais goût ou la provocation jusqu'à flirter, voire dépasser, la décence. En Italie, on a connu par exemple des cinéastes oeuvrant dans certaines sous-catégories du bis : la nazi-ploixtation, le "rape and Revange", le "film de prison" sous prétexte de montrer les relations saphiques des prisonnières entre elles, le gore (dont Peter Jackson a réalisé le film définitif avec Brain Dead...).