Prétendre que ce premier Baiser n'a jamais été reconnu à sa juste valeur relève de l'euphémisme. Cela dit, qui aurait pu, en 1974, accorder la moindre crédibilité musicale aux quatre énergumènes de la pochette ? Certainement pas les pontes de la Warner ( qui distribuait alors les productions Casablanca ), et encore moins les ménagères américaines ( et leurs filles ) qui succomberaient plus tard aux violons de Beth et aux roucoulades de Forever...
Et pourtant ! Cet album, qui ne connut initialement aucun succès, pose les bases de la machine de guerre Kiss et contient les principaux chevaux de bataille scéniques du groupe, abondamment joués dans les seventies et ( presque ) toujours repris depuis... Oui, bien davantage que ses éminents successeurs, cet éponyme constitue indéniablement la clef de voûte de l'édifice kissien.
Après toutes ces années, le superbe Black Diamond demeure l'une des chansons emblématiques de Paul Stanley et le cinglant Deuce le morceau-signature de Gene Simmons. Quant au félin Strutter, c'est l'une des rares collaborations entre les deux hommes qui, par la suite, auront tendance à composer séparément, souvent avec des auteurs extérieurs...
Le brutal Cold Gin signé Ace Frehley ( chanté ici par Gene ) annonce les futurs brûlots du guitariste. Quant au mésestimé Peter Criss, il est bien présent à la batterie ( ce qui ne sera hélas pas toujours le cas par la suite ) et dans les choeurs. Il enrichit surtout de sa voix si particulière ce Black Diamond dont il se partage le chant avec Stanley.
Si l'ensemble se révèle assez homogène, signalons cependant la présence d'un instrumental rigolo ( Love Theme From Kiss ) et d'une bluette décalée et assez désuette, Let Me Know.
Rappelons aussi que la seule reprise, ce racoleur Kissin'Time signé Mann/Lowe ( les auteurs du Teddy Bear d'Elvis ) ne figurait pas sur la version originale de février. Cette chanson, sortie en 45 t, fut spécialement enregistrée à la demande de la maison de disques dans le but d'obtenir ( vainement ) un hit et ne fut ajoutée qu'au deuxième pressage du disque, ce contre la volonté du groupe.
Quoi qu'il en soit, le premier album de Kiss s'avère scandaleusement sous-estimé et mérite d'être redécouvert. Loin d'une oeuvrette mineure, il s'agit de l'un des premiers jets les plus jubilatoires de l'histoire du rock.
Un grand disque, tout simplement.
4,5/5