Il faut pouvoir s’imaginer ce qu’a pu ressentir un fan de R.E.M période 'campus' lorsqu’il a compris, dès la première écoute d’OUT OF TIME, ce 7ème album de R.E.M, que son groupe risquait de lui 'échapper' et de devenir énorme. Cela n’a dû durer que quelques secondes, déjà l’album introduit par un rappeur (Oh my God !), puis cette intro qui envoyait la norme 'basse-guitare-batterie' des années IRS aux oubliettes - on croise ici, comme sur l’album suivant, toute une myriade d’instruments - avant ce "The wooorld is collapsiiiiing" flamboyant et clairement à la sauce 'major', ce à quoi le déjà lucratif GREEN avait quand même réussi à échapper. Se rendre compte qu’on va devoir partager son groupe souterrain fétiche avec les afficionados du Top ' kleenex' 50. Ne reste plus à espérer que le fan en question ne soit pas en même temps un fan de Nirvana période ' underground', sinon il n’aura plus qu’à se foutre une balle (oups pas fait exprès, désolé).
Très souvent en course avec AUTOMATIC FOR THE PEOPLE pour le titre de meilleur album de R.E.M, OUT OF TIME a fait en 1991 l’objet d’un consensus généralisé. Belle période. En réaction aux respectifs courants House, New Beat, techno et bien sûr rap, la fin des années 80 voit émerger un vent de fraîcheur indé (Pixies, Stones Roses, House of love, Ride…), mais de là à ce qu’un des plus dignes et plus anciens représentants de la culture 'alternative' vienne s’inviter au festin des ventes, personne ne s’y attendait, pas même les producteurs du combo géorgien ! Je veux bien croire effectivement qu’il y a eu une part de chance, les planètes alignées, le CD qui se démocratisait, les diffuseurs à l’unisson avec le matraquage radio généralisé dont a bénéficié "Losing My Religion". Le groupe ne l’aura pas toujours par la suite, notamment en France. C’est certainement le doublé avec l’autre tube, "Shiny Happy People », qui a décidé beaucoup à l’achat de cet album.
On remerciera KRS1 de n’avoir pas trop gâché l’excellent morceau introductif "Radio Song" (ce sera moins évident treize ans plus tard avec Q-tip pour "The Outsiders" sur AROUND THE SUN). J’ai dû à l’époque (comme beaucoup de monde) épuiser "Losing My Religion" jusqu’à la moëlle. Lassé par un certain côté 'mou-du-genou répétitif', j’ai longtemps considéré la trilogie des morceaux impairs "Low" / "Endgame" / "Belong" comme un point faible, jugement atténué depuis (surtout pour le premier), avec le temps ils m’apparaissent une composante plutôt cohérente de l’album. Jamais lassé par contre par les interventions vocales de Mike Mills, que ce soit en solo ("Near Wild Heaven") ou en trio avec Michael Stipe et Kate Pierson ("Shiny Happy People"). Je trouve moi aussi la fin de l’album particulièrement réussie avec en point d’orgue l’immense "Half the World Away" et le magnifique "Country Feedback", avec juste un bémol pour le final "Me in Honey", le motif récurrent du morceau étant un peu lassant à la longue.
Mon ressenti 2024 : TRIPPANT (5) : "Half the World Away". DELECTABLE (4,5) : "Country Feedback", "Shiny Happy People", "Losing My Religion". SEDUISANT (4) : "Radio Song", "Near Wild Heaven", "Texarkana". PLAISANT (3,5) : "Low, Me in Honey". INTERESSANT (3) : "Endgame", "Belong". EMOTION LIMITEE (2,5) : Néant. AUCUNE EMOTION (2) : Néant. DEPLAISANT (1,5) : Néant. PENIBLE (1) : Néant. Bilan : 3,95 / Top 5 : 4,50 : OUT OF TIME cote pour moi 4,23 et arrive en 4ème position dans mon classement personnel des albums de R.E.M.
Et chez les 65 000 fans ? Eh bien curieusement, l’album n’arrive que 7ème. Le sondage donne en tête "Losing My Religion" (12ème) devant "Country Feedback" (25ème), "Half the World Away" (38ème), "Near Wild Heaven" (41ème), "Texarkana" (52ème), "Me in Honey" (54ème), "Low" (60ème), "Shiny Happy People" (65ème), "Radio Song" (73ème), "Belong" (76ème) et "Endgame" (166ème).
Pour les complétistes, impossible de louper l’excellent "Fretless" (4), retiré de l’album pour figurer sur la B.O "Until the End of the World" de Wim Wenders. 1991 est aussi l’année du non moins excellent "First we take Manhattan" (4), sûrement l’une des meilleures reprises du groupe, mais aussi l’une des plus belles reprises d’une chanson de Leonard Cohen (avec le magnifique "I’m Your Man" de Bill Pritchard, l’enthousiasmant "So long Marianne" des James, et bien sûr l’inévitable "Hallelujah" de Jeff Buckley). La reprise des Troggs, "Love is all around me" (3) chantée par Mick Mills (voir la vidéo de l’Unplugged 1991) est bien sympathique. Les autres morceaux annexes ne cassent pas trois pattes à un canard : "Forty Second Song" (2) dure en fait 1 minute 22 et c’est déjà largement suffisant. La reprise du Velvet Underground ("After Hours") fait vraiment bouche-trou (2), autant que "Rotary Eleven" (1,5). Pas mieux pour les singles du fan club, "Baby Baby" (2.5) au refrain gentillet, et le petit délire sans intérêt "Christmas Griping" (2).
