Un régal que ce disque-là, un régal ironique, désespéré, venant d'un homme en pleine procédure de divorce et qui chante ici le rock de séparation ultime ("You're breakin' my heart, you tear it apart, so fuck you !" - que voilà des paroles simples et directes, déclamées sur un air de fête comme si le mec allait boire toute sa vie pour oublier son chagrin, chose qu'il fera d'ailleurs et qui le mènera à la tombe pas très longtemps après tout compte fait). Bon, il n'y a pas que ça, il y a "Remember", un air à la "Without You" pour les masses, parodié quelques instants plus loin sur quelques secondes s'achevant par un rot d'anthologie. Il y a "I'd Rather Be Dead", dont je recommande de voir le clip hilarant se déroulant dans une sorte d'EHPAD avant l'heure. Il y a "Spaceman", dont les paroles apparemment niaises cachent difficilement la déception qui les a inspirées. Et la magnifique "The Most Beautiful World In The World", supplique d'amour globale s'achevant par un tonitruant "See you next album...' C'est du "en même temps", c'est de la contradiction permanente, sauf que c'est humain, ça vient d'un esprit perdu qui a décidé de se saborder pour se divertir et épater ses amis (Ringo joue avec lui sur le disque). Venant après le succès de l'album précédent, la démarche vient confirmer la sincérité d'un artiste qui semble être "dans les clous" a priori. Y a pas besoin d'être tatoué, punk, ou quoique ce soit pour être sensible et intéressant. Être un chanteur surdoué et un compositeur de talent ça suffit parfois aussi à ne pas être un homme parfait. Et donc à être un artiste parfait. Même quand il a foiré ses albums et brisé sa voix, Nilsson était génial. Il a laissé beaucoup de disques inégaux et d'autres dispensables, mais il n'avait jamais été rien de moins qu'attachant. Beaucoup ne peuvent pas en dire autant.