@GARAGEGIRL : Bonjour.
MAGAZINE et plus généralement l'ami Howard divisent toujours autant qu'il y'a 40 ans. Tout comme les étiquettes "afterpunk", "new wave", "post punk" ...
Devoto et les punks, c'est effectivement une drôle d'histoire. Il a quasiment lancé le mouvement à lui tout seul via le "Spiral Scratch" des BUZZCOCKS qui en le perdant ont beaucoup perdu. Rien qu'un morceau comme "Breakdown" possède en lui l'essence de tout un genre (ex-aequo avec "Ex Lion Tamer" de WIRE. Colin Newman ne tarissait d'ailleurs pas d'éloges au sujet de l'EP inaugural de la bande à Shelley). Que Howard ait pressenti la destinée tragique et express du punk avant les autres : c'est une certitude. Qu'il ait cherché à niquer (parce que c'est le verbe le plus approprié à cet état de fait) les punks et les progueux en leur balançant sur la figure un rock hybride tellement extrême dans ses ambitions qu'il ne pouvait pas fédérer mais uniquement réunir les fadas de sons inclassables : là aussi c'est sûr et certain. Je n'ai toutefois pas la sensation qu'il détestait autant les punks. Il était encore une fois un sacré phénomène au plus fort de MAGAZINE. Certes, il ne massacrait pas les journaleux à la manière de JJ Burnel, Jah Wobble ou Sid Vicious, ni ne se baladait dans les quartiers huppés pour abreuver les nantis de ses molards comme le faisait John Lydon. Mais il les assassinait verbalement. Il fallait à mon avis se préparer psychologiquement avant de lui accorder une interview. En deux ou trois sorties : le Devoto est capable de vous larder l'esprit à coup de tessons de bouteilles et avec un je m'en foutisme doublé d'un dédain pas possible (regardez les clips pour vous en rendre compte). Le dénommé Trafford n'est pas votre ami. Sa musique n'a pas vocation à suivre les chemins tracés par Elton John ou ABBA.
Venons-en au début du live, à ce qu'il paraît "chiant". J'en conviens, démarrer le set par quatre morceaux plus atmosphériques que spontanés (quoique ... En particulier "Give Me Everything") fallait oser. Toutefois, la méthode n'était pas inédite en 1980. Déjà en 1975 sur "On Your Feet Or On Your Knees", le BLUE ÖYSTER CULT avait choisi comme ouverture le relativement apaisé (mais n'exagérons rien) "The Subhuman" au détriment d'un "Harvester Of Eyes" ou d'un "Transmaniacon MC" bien plus martiaux. La marque d'une insoumission aux codes en vigueur via le refus de servir des hymnes de stades pendant une plombe et demie (j'ai jamais aimé ACDC ). Pour rappel : l'avantage de "Play+" est justement de compiler deux lives. Le premier à Melbourne en 80, plutôt professionnel sans que la puissance des morceaux ne soit altérée. Le deuxième à Manchester en 78, digne d'une excellente Peel Session bien rageuse et sans retouche.
Enfin, MAGAZINE pose la question (avec PIL) de la réelle identité du punk. Est-ce un esprit sincère ? Une posture essentiellement vestimentaire ? Un son ? Le fait est que la new wave du quintet mancunien déploie une ambiance et une agressivité que l'on ne peut pas cerner du premier coup. Comme énoncé plus haut : les keupons de base ne pouvaient pas s'y retrouver avec les claviers de Dave Formula et les inconditionnels de Tony Banks ou Rick Wakeman fuyaient devant la violence et la tyrannie d'une musique résolument intimidante. Quand on aborde la nouvelle vague des origines : on démarre en douceur (façon de parler) avec les STRANGLERS (bourrus, bizarroïdes, mais assez facile d'accès), on affine le propos avec ULTRAVOX et / ou VISAGE puis on s'aperçoit après moultes écoutes que tout ce que l'on a aimé chez les trois précédents étaient canalisé et transcendé chez Devoto. Personnage singulier mais ô combien fondamental dans l'univers rock pas seulement britannique. La meilleure preuve ? Un titre d'anthologie tel que "The Light Pours Out Of Me", dont aucune version connue n'est à bannir (j'ai la cover par MINISTRY dans les oreilles en ce moment, ce refrain est impérial, ce riff est indescriptible, cette fureur dans les deux derniers quarts est démente, ce morceau est grand).
Quant au contact phalango gingival requis contre les anti Devoto, je citerai Eric "BÖC" Bloom répondant aux traumatisés du Messerschmitt 262 de "Secret Treaties" : "Arrêtez de délirer les gars. C'est juste un avion". It's only rock n roll.
Ah. Et alors comme ça MAGAZINE + Devoto feraient mieux de rester dans l'oubli au sein duquel ils auraient élu domicile ? Il s'agirait tout d'abord d'attester de l'existence de cet oubli. Allez dire ça à Al Jourgensen, Nivek Ogre, Morrissey, Jim Kerr, RADIOHEAD, Wayne Hussey, Peter Murphy qui doit beaucoup au Howard question expressions faciales dark et théâtralité parfois choc ou Duff McKagan (seul membre valable des médiocres GUNS N ROSES). De même que feu David Lynch n'avait certainement pas choisi Barry Adamson au hasard lorsqu'il pensa "Lost Highway".
MAGAZINE est aussi visionnaire, légitimement culte et peu encrassé par la médiatisation ou les manigances quasi mafieuses de la "grande famille du rock selon Lyor Cohen et Jon Bon Jovi" que le sont PIL, HAWKWIND et NEU!. Point final.