Voilà un album de SHEILA que j'aime énormément et qui tient encore bien la route plus de 40 ans après. Certainement alors le son le plus rock de sa discographie à succès jusqu'à sa collaboration un an plus tard avec l'américain Keith OLSEN pour le superbe "Little Darlin'" (réédité récemment dans une belle édition collector).
Pour resituer le contexte de la création de ce L.P, rappelons qu'au printemps 80, le lancement de l'album précédent "King of the world", produit par CHIC, avait été clairement sabordé lors de l'exclu du premier extrait éponyme chez Guy LUX, suite à une panne (plutôt suspecte) de playback pendant la prestation de SHEILA et de ses danseurs alors que l'émission était diffusée en direct. Et si, aujourd'hui, on sourit en revoyant cette séquence multirediffusée dans les bêtisiers, ses retombées ne sont pas étrangères à l'orientation de la carrière de SHEILA à l'aube de la nouvelle décennie qui sera pour elle très pauvre en "Top 10" (seulement 2) alors qu'elle en comptait près d'une cinquantaine entre 63 et 79. Ses éternels et vicieux détracteurs boivent alors du petit lait et dénoncent allègrement une "chanteuse qui ne chante pas, reine du playback".
Suite aux ventes très au-dessous des espérances de "KOTW" qui ne sera réhabilité par les spécialistes que beaucoup plus tard, CARRÈRE lance le plan d'urgence avec la mise en route exceptionnelle d'un second album de SHEILA la même année, mais cette fois-ci enregistré intégralement en langue française (ce qui aurait dû raisonnablement être fait depuis 2 ans). Un album destiné à démontrer que l'artiste sait parfaitement chanter en direct (ce qui est vrai) et qu'elle a le matos en vue d'une très prochaine scène parisienne (ce qui s'avèrera faux, les ventes très moyennes de "PSO" feront encore reculer CARRÈRE et SHEILA devra s'émanciper de son producteur historique fin 82 pour pouvoir enfin rencontrer son public au "Zénith" en 85).
Lookée de façon plutôt inappropriée, elle se lance donc dans une intensive promo télé en direct sur 7 des 9 chansons de cet opus. Le grand public retient principalement (et provisoirement) les 2 titres du premier single extrait, 2 adaptions littérales de 2 morceaux bien rock : le plus soft et seul modeste tube, "Pilote sur les ondes" ("Pilot of the airwaves", Charlie DORE), et le déchaîné et très coquin "L'Amour au téléphone" ("Love on the phone", Suzanne FELLINI) qui a dû en désorienter plus d'un dans la tranche la plus traditionnelle des fans de SHEILA. Indéniablement, 2 bons titres même si on peut regretter que CARRÈRE ne s'en soit pas tenu à son premier plan-promo, à savoir sortir d'abord ce qui sera finalement le second single extrait , "Les Sommets blancs de Wolfgang" et "Louis", immédiatement plus abordables et accrocheurs pour nombre de clients semi-réguliers de la chanteuse. 2 titres de surcroît originaux même s'il est difficile de ne pas sentir les nettes influences de 2 super hits récents, "My Sharona" (The Knack) sur "Les Sommets" et surtout "One step beyond" (Madness) sur l'extrêmement sympa "Louis". Du coup, la chanteuse les ayant déjà pas mal performés lors de la promo initiale, leur exploitation couplée en tant que second single, 3 mois après, passe presque inaperçue. Tout comme le très bon "Peur du silence" qui aurait très bien pu être créé par JOHNNY ou par BALAVOINE et qui ne sera édité qu'en face B d'un titre inédit plus tubesque à l'été 81 mais hautement moins réjouissant. Bien senti, le contraste entre les paroles des couplets pour une fois volontairement plus insignifiantes que celles du refrain, justement pour appuyer la volonté vitale de la nana de maintenir le contact avec son mec, même si c'est pour échanger des banalités.
Marco apprécie "Ma haute fidélité", tant mieux, elle est en effet assez plaisante, même si c'est la moins rock du lot. Il faut dire qu'elle pâtit d'un certain désamour chez une petite frange des inconditionnels à cause d'un mot surprenant dans la bouche de SHEILA dès les premières paroles. Tous les fans nostalgiques de vieilles idoles du rock, mortes ou simplement disparues du devant de la scène, devraient se reconnaître dans ceux de "Rocky Angel", une des plus chouettes réussites du disque. Le petit bémol serait peut-être pour "Je ne suis qu'une fille", même s'il reste de bonne facture et que c'est le texte (vaguement) le plus introspectif de la liste. Enfin, "Psycho Killer" des TALKING HEADS", après avoir été parodié par The FOOLS en "Psycho Chicken", est ici à nouveau dénaturé par SHEILA en "Psychodrame". Les puristes hurleront au massacre et la nommeront aussitôt au "Gérard de la pire adaptation d'un classique du rock par une chanteuse yéyé". Et pourtant, ce n'est pas une version si abominable que ça, même si le gimmick "fa fa fa" du refrain original aurait gagné à être remplacé.
Un album fun, musclé et audacieux, qui n'a pas trouvé la plus large audience et la pérennité qu'il méritait malgré un papier d'époque inattendu dans "Libé" et que même SHEILA semble avoir remisé au grenier puisqu'à ce jour, elle n'a repris sur scène que le titre-phare et encore, dans une seule série de concerts.
Presque un 4,5/5, à redécouvrir !