Marco, je partage tes coups de coeur sur cet album attendu comme l'Arlésienne, voire quasi providentiel pour les fidèles de Sheila, tant ils finissaient par croire que le chant du cygne était paru en 2012 et s'appelait "Solide". Contrairement à Sylvie Vartan qui peut se permettre de revenir tous les 2 ans en studio d'enregistrement pour sortir un nouvel opus qui va invariablement bider, on sent que ce n'est pas sans peine(s) que Sheila a réussi à aller jusqu'au bout de ce "Venue d'ailleurs" sur lequel elle semble s'être investie comme jamais. C'est pour cette raison que, même si je trouve qu'il méritait davantage un bon 4 étoiles, je lui ai attribué un petit 5.
Ce qui me touche avant tout ici, c'est le spectre d'interprétations carrément bluffant d'une septuagénaire qui peut passer avec la même aisance, la même crédibilité, du rock le plus assumé et efficace à la pure chanson d'auteur sensible et dépouillée en passant par la variété pop acidulée qui a fait sa renommée. Avait-elle déjà chanté des textes aussi puissants, subtils et poignants que ceux de "La Rumeur" et de "Cheval d'amble" ? Hormis l'assez bouleversant "Je" sur l'album "On dit" en 83, je ne pense pas... Jamais je ne l'ai sentie aussi affranchie pour transmettre l'émotion la plus sobre, la plus pure et rendre magnifiquement grâce au remarquable talent d'écriture de Christian Siméon ou d'Amaury Salmon. Jamais, elle ne m'aura paru autant à sa place en rockeuse décomplexée sur l'excellentissime "Ooh la la" (mais pourquoi avoir attendu si longtemps avant de retenter une collaboration avec Keith Olsen ? Et il paraît qu'il y aurait 3 autres titres de cette Sheila "rock'n ricaine" en boîte).
Au rayon des très bonnes surprises, je retiendrai aussi le morceau d'entrée aux accents folk "Belle journée", tout en faux semblants, aussi apparemment doux que douloureux en profondeur. Et la chanson qui donne son titre à l'album "Venue d'ailleurs" : très belles harmonies, sensible, réconfortant et qui donne vraiment envie de croire aux âmes soeurs. Au rayon des 'petites déceptions' : les retrouvailles "Sheila & Nile Rogders", "Law of attraction" est un peu inférieur à ce qu'on était en droit d'espérer et supporte mal la comparaison avec les indépassables "Spacer" et autres "Charge plates and credit cards". Le morceau reste quand même de bonne facture et, sous forme de remix inspiré, pourrait facilement faire transpirer sur les dance floors, rien n'est perdu. Moins rattrapable, la faiblesse des paroles du jeune auteur qui a écrit "Baby Doll" et "Tous yéyé "(assez inexplicablement choisi comme premier extrait) sur des arrangements plutôt sympas au demeurant.
Voici donc un album auquel on ne peut souhaiter qu'une large audience et qui pourrait bien amener Sheila à la cérémonie des "Victoires" l'an prochain et lui offrir sa première nomination au titre de "Meilleure interprète féminine". Ce serait génial qu'elle soit enfin récompensée pour couronner une carrière inouïe, 60 ans de gloire et de galères pour une artiste digne et douée à (re)découvrir sans délai.
