Grandir et s'éveiller dans une zone aussi sinistrée que Leeds à la fin des 70's n'est pas une expérience des plus chaleureuses ni des plus constructives. Natifs de ce terrain de chasse idéal pour les deux fronts politiques les plus borderlines : les GANG OF FOUR sauront user de leur matière grise et de leur culot salutaire le temps, trop bref, de trois albums fondamentaux au sein de l'aventure afterpunk. Le premier d'entre eux (et le meilleur) : "Entertainment".
Si Guy Debord avait vécu dans l'Angleterre post 77, avait eu le choix entre une guitare et une plume et s'était tourné en fin de compte vers la guitare : nul doute qu'il aurait intégré voire conçu GANG OF FOUR de A à Z (ce n'est pas Colin Newman qui irait me contredire).
Situationniste jusqu'à la racine et encore très polémique de nos jours ("Natural's Not In It" qui s'attaque à la marchandisation des sexes, ou encore "At Home He's A Tourist", ce titre bon sang, chronique du déracinement progressif des populations par gavage sous culturel imposé), musicalement imparable ("I Found That Essence Rare"), dansant et parfois d'une barbarie glaciale typiquement post punk (la violence crue de "Ether" et ses white noises angoissants parcourant les couloirs de la maudite prison de Maze, "Return The Gift" et "Guns Before Butter", virulente charge anti business de la guerre, fait presque froid dans le dos) : cet opus est un chef-d'œuvre rempli à ras la gueule de tubes inoxydables (quiconque n'a jamais écouté "Damaged Goods" a loupé un grand moment de rock).
Provoquant un scandale lors de la "prestigieuse" Top Of The Pops pour avoir refusé la censure de ses textes : la meute de Gill et Burnham sera mise sur la touche par EMI qui préfèrera bichonner son autre poulain, plus docile, un certain DURAN DURAN.
Mais ce que l'on retiendra en particulier de cette première vie de GANG OF FOUR : c'est l'intégrité à toute épreuve manifesté par ses membres. Avec un discours bien moins démagogue que ceux que proposeront bien des tartuffes à venir, notamment en France et aux US (ils sont innombrables).
Grand disque.