GRANDIOSE !! Le meilleur de Cave.
Vous voulez un disque angoissant, oppressant, morbide, sombre, violent ? Cet album, datant de 1996, est dans ce cas fait pour vous. Il n'est pas violent musicalement parlant, mais niveau paroles (heureusement dans le livret, un livret très bien conçu, d'ailleurs), c'est loin de ressembler à La Petite Maison Dans La Prairie, je vous préviens. Murder Ballads, imaginé par Nick Cave (chanteur australien spécialisé dans le rock sombre et angoissant) comme un disque de repos pour son groupe les Bad Seeds, est assurément le meilleur album du groupe, leur plus gros succès commercial, mais aussi un des disques les plus implacables jamais faits.
10 chansons, pour 58 minutes en tout. Toutes (excepté la dernière, reprise superbe du Death Is Not The End de Bob Dylan, sur laquelle chantent P.J. Harvey, Shane McGowan (The Pogues) et Kylie Minogue) abordent une histoire de meurtre.
L'album est connu pour abriter un hit mondial, la chanson superbe Where The Wild Roses Grow, en duo avec Kylie Minogue. Je déteste Kylie Minogue en général, mais sur cette chanson (et sur la reprise dylanienne citée plus haut), la chanteuse australienne est parfaite. Nick Cave attribuera le succès de ce disque difficile à la présence de cette chanson, et de cette chanteuse. A mon avis, il n'a pas tout à fait réussi à comprendre comment un disque aussi glauque ait pu cartonner, mais il a du en être ravi aussi ! Pour info, la chanson parle d'un homme assassinant une jeune femme en la frappant avec une pierre, avant de lui glisser une rose entre les lèvres. Tragique, romantique...gothique.
P.J. Harvey, excellente chanteuse, est en duo avec Cave sur une autre superbe chanson, Henry Lee, qui parle d'une jeune femme assassinant un garçon de son âge parce qu'il ne veut pas devenir son amoureux. Les autres titres de l'album sont interprétés uniquement par Nick Cave, dont la voix, grave, comme sortie d'outre-tombe, colle parfaitement aux textes (même sur la chanson The Curse Of Millhaven, narrée par une adolescente du nom de Lottie - Nick Cave chantant une chanson racontée par une femme, ah ah - , une adolescente perturbée assassinant lentement mais sûrement la population de son village, par moyens divers et variés).
Cette chanson sur Lottie est une des plus grandes du disque. Parmi les moments les plus magistraux (il y en à tellement, preque tous, en fait !), Song Of Joy, qui ouvre le bal, est mémorable : l'histoire d'un vagabond dont la femme et les trois gosses ont été assassinés par un inconnu, un jour qu'il n'était pas chez lui. On soupçonnerait même le narrateur d'être l'auteur de ces crimes, mais je ne pense pas que ça soit le cas.
On trouve aussi quelques chanson traditionnelles, ici, un peu revisitées par Cave : Crow Jane, dans laquelle une jeune femme autrefois violée par 20 mineurs (pas des gosses, hein, mais des mineurs de fond) retourne sur les lieux du drame (New Haven, population : 48) pour se venger (par la suite, Population, now : 28). On trouve aussi le mégaclassique Stagger Lee, dans lequel un homme du nom de Stagger Lee, bandit afro-américain, sème le chaos dans une petite ville. Autre morceau traditionnel revisité, Henry Lee.
Lovely Creature parle d'un amour impossible (ou presque) dans la vie, et totalement révélé par la mort d'un des deux protagonistes. Ce morceau est un peu parasité par des choeurs féminins un peu lourds, et est sans doute le titre le moins bon du disque, mais tout est relatif : il est quand même envoûtant. The Kindness Of Strangers nous dit qu'il ne faut pas faire confiance aux étrangers, même ceux qui paraissent gentils : ils finissent invariablement par vous tuer...Enfin, impossible de parler de Murder Ballads sans aborder l'avant-dernier titre, O'Malley's Bar, parce que ce morceau, le plus long du disque, fait la durée respectable de 14,30 minutes ! Et raconte le massacre, dans un bar, de tout le monde, par un homme pétant les plombs après avoir bu un coup.
Grandiose, sombre, inquiétant, parfois éprouvant (le mélange entre paroles glauques et musique souvent calme est détonnant), Murder Ballads, avec sa pochette superbe et froide (une peinture à l'huile montrant une petite cabane éclairée au fin fond d'un bois enneigé, parfaite illustration de Noël), est un sommet absolu. Vous voulez découvrir Nick Cave ? Commencez par celui-là. Mais attention, âmes sensibles s'abstenir, surtout les anglophones, car c'est très très morbide.