Dans la chronique il n'est pas question de la séparation entre technique et feeling (d'ailleurs feeling comme mot, c'est vilain), mais d'une réflexion sur les deux orientations qui (selon moi) cohabitent dans l'électronique moderne. La première c'est le travail sur le rythme, que l'électro hérite de la musique moderne et de la découverte des cultures africaines. La seconde orientation, c'est le travail sur les sonorités, qui est la conséquence des évolutions technologiques de ces dernières années. L'angle de la chronique c'est de faire remarquer que cet album d'Amon Tobin est l'illustration de l'importance croissante de la "production" dans la musique électronique (même si les deux tendances cohabitent depuis les années 70).
Chez Amon Tobin on passe d'un Permutation presque entièrement dédié au rythme à un ISAM presque entièrement dédié à la recherche sonore. Je trouve la démarche assez significative de la scène actuelle : beaucoup moins de travail sur le rythme, beaucoup plus de poids de l'identité sonore de l'artiste. Jusque là ce n'est pas un jugement de valeur, puisque les expérimentations sonores m'intéressent également beaucoup. Ce qui pose problème sur cet album je trouve (qui reste bon hein !), c'est qu'au delà de l'émerveillement devant l'agencement des sonorités, on fait vite le tour des douze pistes, parce que la composition n'est pas au niveau (rythmiques très très basiques et déjà vu surtout).
J'ai également introduit l'éternel débat "le producteur est-il un artiste ?", juste pour embrouiller le monde. Je pense qu'en musique électronique le producteur est bien un artiste, tant que la production n'est pas que technique, mais aussi inspiration artistique (de la même manière que le jeu de contrebasse ou la composition, bref tout aspect de la création musicale). Peut-être que c'est là qu'on peut parler de feeling, si ce mot a encore un sens.
Je comprends que le débat sur l'Art puisse énerver, mais moi, il me passionne, et un album ou un livre qui apporte un éclairage nouveau sur la question est toujours une occasion de se secouer le bulbe. Il y a les paris sportifs aussi, mais pas moyen d'écrire un pavé libérateur sur les derniers résultats du championnat ukrainien.