La disparition de Wayne Kramer m'a amené à me replonger dans la discographie décoiffante (bien qu'un tantinet inégale) du MC5, autant que dans ce "Machine Gun Etiquette", régulièrement placé au sommet de l'œuvre des sales gosses de Croydon. Pour la bonne et simple raison que, si les deux premiers volets des damnés anglais, régis par Brian James, étaient sous influence stoogienne volcanique à la "Fun House" : ce troisième opus est clairement branché sur le MC5 via le jeu de Captain Sensible qui lorgne de A à Z sur celui de feu Wayne le sauvage. Et ces réécoutes ont démontré qu'une première impression est souvent la plus fiable. "Machine Gun Etiquette", pur album de transition et faux chef d'œuvre inattendu, ne me fascinait pas jadis, c'est encore le cas aujourd'hui.
Outre une production famélique (on regrette la crudité du son enregistré par Nick Lowe sur "Damned Damned Damned"), "Machine Gun Etiquette" est l'archétype du disque à tubes, ces œuvres portées uniquement par deux ou trois morceaux qui deviendront des standards légitimes, au milieu d'autres compositions cette fois-ci oubliables. Si par le passé j'appréciais "Love Song", cette dernière me paraît aujourd'hui bien trop quelconque malgré sa belle énergie. La piste titre qui pompe le riffing du "Rock N Roll part 2" de l'infâme (je vais tâcher de rester poli) Gary Glitter, relève du remplissage le plus vulgaire. Idem pour "Liar" et ses paroles médiocres à l'humour (si tant est que l'on puisse appeler ça de l'humour) typé US à la "friends" ou je ne sais quelle comédies débiles. "These Hands" et son histoire de clown tueur ... Pareil. Et désolé Dave, tu ne fais pas peur. "Noise Noise Noise", j'ai jamais retenu quoi que ce soit tellement ce truc est mal foutu. On est dans un album de punk, d'accord, mais même dans le chaos, il faut un semblant de composition, sinon ça ressemble à du Didier Super. Viens la reprise du MC5, qui plus est de l'excellente "Looking At You" issue du tout aussi recommandable "Back In The USA". Et là c'est la catastrophe. C'est un massacre. Ça part dans tous les sens, pour rien. La concision et l'efficacité de la version originale cèdent à une parodie du genre. MC5 : vainqueur par KO.
Mais même au sein d'un égarement, le bon sens subsiste. Les DAMNED ne sont fondamentalement pas des manches. Et ils le prouvent durant quelques grands moments. "Melody Lee", la speederie introduite au piano, a toujours ma sympathie. L'iconoclaste "Antipope" passe plutôt bien et niveau textes c'est plus subtil qu'on le pense. Reste les deux morceaux intemporels de ce cru 79 : l'irrésistible diptyque "Smash It Up", appel à l'anarchie (censuré par la BBC) dont je ne pourrai jamais me lasser et le superbe "Plan 9 Channel 7", aussi fédérateur que poignant avec son refrain brillant, les interventions à tomber du Captain, un Dave impérial et un final à l'orgue qui arracherait une larme au plus endurci des punks. On saluera également la performance du regretté Algy Ward à la quatre cordes. Pas une fosse note. Y compris sur le pétage de câble "I Just Can't Be Happy Today", tellement barré et assumé qu'il en devient accrocheur (non mais cet orgue complètement défoncé ...).
Les DAMNED sont d'éternels grands gamins. Leur crédo : c'est le fun. Le plaisir de jouer et la déconnade outrancière sont les deux raisons de vivre qui animent ces braves rosbifs décalés (pour les amateurs d'archives rock qui n'ont pas eu l'occasion de voir leur prestation au cours de l'émission de la BBC "The Old Grey Whistle Test" en 79 : foncez donc, c'est à pleurer de rire). L'excès et la lourdeur sont les deux travers dans lesquels ils peuvent s'enfoncer par mégarde si pris dans leur délire. Malheureusement, "Machine Gun Etiquette" y est complètement embourbé. Toutefois, cet album aura permis la résurrection (difficile) du combo, qui allait poursuivre son aventure loufoque avec un panache du tonnerre et une créativité aussi débridée que prodigieuse.
PS : y aurait-il une âme charitable sur nightfall, zoologiste de préférence, pour me dire quelles sont les chances sur 1 million de se faire mordiller à mort par un okapi ?