AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Le principe est original, presque unique à ma connaissance. Un album de rock, en l’occurence le sublissime Subterannea de IQ, qui donne naissance bien plus tard à une adaptation cinématographique, dont la musique est composée par un membre du groupe. Musique qui donc n’est pas une adaptation de l’album, mais une vraie musique de film à part (ce bien que quelques thèmes principaux d’IQ soient repris). Intéressant ? Ah sur le papier, oui.

Malheureusement, le disque entier est bel et bien une musique de film, une vraie, une pure, une... pas forcément écoutable seule. Basée pour plus de la moitié sur des pads de synthés et des atmosphères mille fois entendues, elle pourrait être résumée par un titre : les 11 minutes de "You Made It". La prod est froide, clinique, le son très digital et très propre, et la musique est vide. Et on s’ennuie profondément. Et pire, les citations de thèmes de Subby deviennent rapidement clichées, limite irritantes, proches du fan service. Les titres se suivent et se ressemblent, de temps en temps avec des différences de production (pour moitié un peu fauchée, moitié honnêtement Media Venturesque), parfois avec un peu de piano ou de celesta qui rappelle TANGERINE DREAM quand ils font le service minimum (vous vous souvenez de leur album Deadly care ? Hein ? Ben eux non plus, figurez-vous....).

Dans ces plages de néant cosmique, quelques titres surnagent ; "The River" et son atmosphère qui fait penser aux égouts, donc au 3ème Homme, donc à Vienne, donc c’est bien (NDLR : Fanboy va). "Meeting" change de son pour un piano électrique à la RADIOHEAD, "Basement" possède une fin intéressante. Mais globalement c’est très cliché, très peu intéressant, et ça frôle parfois le kitsch : "She’s Down" aurait parfaitement sa place dans un épisode d’Hollywood Boulevard, et à 3.45 sur "Deceit", c’est un pauvre Roland D-5 (allez, soyons généreux : un D-20) qui fait le job. C’est malheureux mais je dis ça en connaissance de cause. Oh, je ne ferais sûrement pas mieux, avec le même budget. Mais, et ça c’est beaucoup plus embarrassant, je ne ferais pas pire. Et bien d’autres non plus, beaucoup beaucoup d'autres. Dans ce genre de musique, la fenêtre de création intéressante est étroite, très étroite, une meurtrière. Ca n'empêche pas des centaines de zicos de vouloir tous rentrer en même temps. Comme disait Chirac : "c'est que le buffet doit être bon".

Il y a aussi les titres qui sortent de l’ordinaire, et ça va du mauvais à ce qui sauve le disque. Le mauvais, c’est ce premier titre qui, en guise de générique d’ouverture, donne dans le metal prog à la DREAM THEATER de bas étage. C’est frigide, c’est incongru, et si c’est très bien fait techniquement, ça ne passe pas. Heureusement ce sera le seul passage du genre. D’autres guitares viendront charmer vos oreilles, mais elles seront acoustiques, et là, le talent de Mike HOLMES éclate de façon bien plus évidente, comme sur "Closer" où il a un peu plus de temps pour s’exprimer. Mais si un titre devait sauver l’album in extremis, ce serait évidemment le dernier, une chanson qui est quasiment une face B de IQ, avec un beau chant de Peter NICHOLLS, qu’on a d’ailleurs du mal à reconnaître sur le premier couplet. Là, ça fonctionne : même si le côté heavy est un poil trop poussé, ça colle au côté implacable du film, à l’ambiance poisseuse. Une belle chanson à mettre aux côtés des "Universal Scam" et "Eyes of the Blind". Et qui clôt un disque terriblement anémique, peu engageant, purement fonctionnel, mais qui a un mérite. Une fois ingurgité, on a envie de réécouter encore et encore l’album d’IQ qui, lui, ne nous a toujours pas lassé vingt ans après..