Le temps qui passe pourtant ne semble guère avoir de prise sur Tori AMOS. Certes, la chirurgie esthétique, les changements de look... Il n'empêche que l'artiste reste juvénile. Une si grande créatrice qui reste aussi belle et sexy, c'est frappant. D'ailleurs, aujourd'hui, elle arbore une image plus maléfique que d'ordinaire, vénéneuse, il faut croire que les élans maternels sont derrière elle. On dirait presque une sorcière sur cette pochette, attention, une magnifique sorcière... Mais tout de même ! Ou alors il s'agit juste d'une manière de se présenter en accord avec la tonalité de l'album qu'elle dirige vers la force tellurique de la Terre et des destructions naturelles qu'elle déplore.

Trois singles annoncent la sortie de l'album. La superbe "Cloud River" est bâtie sur un riff de guitare folk, ce qui est très rare chez Tori. Pourtant, la chanson s'insère remarquablement, elle ne détonne pas un seul instant. L'orgue rehausse la beauté du titre qui sera immanquablement un classique de cette livraison. "Up the Creek" donne plus dans le moderne ! Enfin, pour notre Tori, des beats de synthé et une atmosphère qui se veut certainement plus mainstream. On retrouve ici certains accents de son début de carrière. Ce ton pressé, cette litanie qui revient comme un battement de cœur sonne 'différent' jusqu'à l'arrivée du grand piano. Enfin, le roi des rennes "Reindeer King" la voit retrouver les grands élans épiques. Tout est beau dans cette composition: le Bosendorfer tonne, les notes s'égrènent comme autant de flocons de neige dans la belle vidéo.

Et des pièces pour piano, des chansons telles que Tori ne cessera jamais d'en composer, je vous donne rendez-vous dans 30 ans pour vérifier cette affirmation. "Russia" est très belle, sans doute la plus réussie, mais citons aussi les émotionnelles "Upside Down 2", "Breakwaway" et "Climb" où Tori, seule avec son piano, en oublie le monde matériel qui l'entoure. On peut aussi ajouter "Mary's Eyes" tout entière tournée vers la santé de sa maman, victime d'une attaque cette année. "Wings" ou "Wildwood" sont plus communes tout en restant très agréables, il ne s'agit pas de fillers, loin s'en faut.

Et, pour le reste, les aspects percussifs et dramatiques de "Bang" sont superbes, comme si l'inéluctable fin se rapprochait, et les aspects trip-hop poppy véhiculés par "Wings" nous plongent, si on a la bonne idée de se pencher sur les paroles, dans un pessimisme peu apaisant. L'environnement exotico-pop de "Bats" - je vous disais bien que c'était une sorcière aujourd'hui ! - surprend aussi, et on sursaute aux accents BEATLES de "Benjamin". "Broken Arrow" avec sa wah-wah tente de nous emmener vers un autre ailleurs comme souvent avec Miss AMOS. Les Appalaches enneigés ? Toujours les histoires de son grand-père ? Bien possible ! Enfin, "Chocolate Song". Tu m'étonnes, on imagine super bien Tori, avec son air coquin, découverte le matin entourée de tablettes de chocolat vides sur le canapé du salon après une nuit blanche devant la télé. Mignonne.

Tori a eu le nez creux sur le choix des singles qui se révèlent finalement être les meilleurs titres de cette livraison, avec "Russia". L'absence d'un très grand titre, comme "Job's Coffin" ou "Trouble's Lament'" sur les précédents, est malgré tout préjudiciable. C'est un peu dommage mais malgré la qualité omniprésente de cet opus, je ne vais lui mettre qu'un 3, c'est un 3,5 certes, mais en-deçà de ses précédents efforts. Rien de bien grave et tout à fait recommandable à sa fan base, cela dit.