Quand on est le pape du blues rock, qu'on a exercé toute sa vie au sein de la grande cathédrale qu'est ZZ TOP, que nos enfants de chœur Franky et Dusty ont quelque peu la flemme de venir servir la messe, et qu'enfin, on voit se pointer l'age canonique de 69 piges- quel joli chiffre ! -, il est plus que temps de se poser des questions. Il ne sera pas dit qu'on crèvera les côtes en long devant la télé entre un match des Cowboys de Dallas et un autre des Spurs de San Antonio, même un verre de Dom Pérignon à la main et dégustant les plus beaux barbecues ribs existants de ce coté-ci de l'univers. C'est dit, le révérend Willie G décroche une fois encore sa chère Pearly gates et on va voir ce qu'on va voir ! L'inénarrable frontman du Little old band from Texas retrouve le chemin des studios.

Tout cette belle énergie nous donne ce second album solo, à la belle photo tellement iconique ! Ne vous attendez pas trop à des tentatives musicales de derrière les fagots. Ici c'est du sang de la sueur et du sexe pour la plus grande gloire du blues rock ! On se croirait de retour à l'époque cyber des eighties avec ce son typique de caisse claire. L'introductive "Missin Yo Kissin" au ton coquinounet se taille une belle part de jouissif pour nous mettre en appétit, "That's what she Said" chevauche dans les mêmes champs de pétrole boueux, puis "Mo' Slower Blues" embraye avec un mid tempo où l'on attend avec impatience le sermon du révérend. Billy chante depuis toujours que Djizeus s'est paumé entre Chicago et New Orleans, moi aussi j'aurais monté une religion si j'avais été lui... Le titre déboîte bien, rien à dire.

En fait de blues tressautant, "My Baby She Rocks" se pose de manière fort sérieuse, le révérend alterne entre solos de Pearly Gates et solos d'harmonica, et ouais, ça déchire drôlement bien, même si certes, c'est un peu du réchauffé ! Le son de Billy n'est à nul autre pareil, et lorsque les solos sont réussis alors, il n'a pas de rival. Et puis du boogie ! "Let The Left Hand know" est un petit mid slow vitaminé d'assez belle allure, avec des lyrics assez sympas. "Hollywood 151" nous replonge dans les titres boogie chers au texan. Un solo sonnant très rétro, pur prétexte pour aligner une intervention bien lentounette et sympatoche.

En immense admirateur de Muddy WATERS, il n'y a rien d'étonnant à retrouver ici deux titres de légende : "Standing Around Crying" revisité dans une version plutôt roots où le respect le dispute à l'efficacité. Voyez comme le roi Billy joue ce solo plus slow que slow. Pas un de ses pairs n'ose le jouer ainsi. Quel bluesman ! Tout est là ! Voilà exactement ce qui fait de Billy GIBBONS le meilleur gratteux en activité du rock. Alors, ça faisait longtemps que je souhaitais entendre notre pasteur préféré sur le mythique "Rollin And Tumblin" de son idole. Première impression, je la trouve trop rigide et rapide. Manque d'originalité dans cette rythmique trop lourdingue. Je préfère par exemple la version bien plus lente de BLACKFOOT.

Et puis quelques petites surprises : je ne suis pas spécialiste des Maraccas, mais il me semble en entendre sur ce titre de Jerome Green qui accompagnait le génial Bo DIDLEY lorsque celui-ci était chez Chess, "Bring It To Jerome" chaloupe donc remarquablement. Billy va toujours là ou on ne l'attend pas, c'est sa grande force ! Et puis nous revoiloù là ou nous étions quelques années auparavant avec ces influences caribéennes, et "Crackin Up" débarque de manière bien agréable, on n'est pas si loin des idées développées sur le premier opus, et un solo tellement reconnaissable.

Il n'y a pas grand chose à rajouter. On reste assez loin des immenses standards créés par le révérend dans ses folles années de gloire, mais l'écouter aligner des soli d'une lenteur pachydermique avec la grâce d'une danseuse étoile reste tout de même jouissif ! Il n'y a pas réellement de filler, mais pas non plus de chefs-d’œuvre sur cette galette. Un très bon moment de volupté, pour tous les amoureux du son Topien made in Texas. Il n'est pas encore fini, mais Billy GIBBONS aura bien mérité de la cause du blues rock. Un 3.5 solide.