Nous sommes maintenant en 2005 et HAYSEED DIXIE nous pond sa cinquième galette alors que « Let There Be Rockgrass » est sorti depuis moins d’un an. Si le groupe ne fait pas les premières lignes des magasines Country US, il se produit cette année là essentiellement en Europe. Hayseed Dixie passe 60 fois en Angleterre, donne 25 concerts dans les autres terres britanniques, passe une demie douzaine de fois en Hollande, au Danemark, en Norvège, passe par l’Allemagne et dans l’Hémisphère Sud (3 concerts en Nouvelle Zélande et 12 en Australie) pour seulement 3 concerts en Amérique. Cocorico, la bande de John Wheeler est programmée en France en deux occasions : chez Mickey et aux Trans Musicales de Rennes.
Quand ils ne sont pas à l’autre bout du monde, le groupe profite de ses rares moments de calme pour enregistrer au Renaissance Studio, le propre studio de Wheeler. Pratique, simple et efficace. Quand ils ne jouent pas sur notre continent, les membres se ressourcent en enregistrant. La chose est d’autant plus facile que la plupart des compositions sont créées alors que le groupe sillonne nos routes ou le ciel et peuvent être rôdées en concert.

Avec ce « A Hot Piece Of Grass », titre pouvant évoquer une plante de la famille des cannabaceae, plus connue sous le nom de cannabis, le groupe nous offre une pochette décalée bien dans l’esprit du groupe avec un gros plan d’un mini short féminin. On peut imaginer le personnage du visuel en train de danser ou de se trémousser au son de la musique, avec à la main un gobelet plastique au nom du groupe rempli de houblon.

Si le groupe débute par huit reprises issues principalement des registres Hard et Blues Rock, reprenant ainsi la recette de ses dernières galettes, il enchaine cette fois ci avec sept originaux, le disque s’achevant avec un hommage à Don Reno (paternel de deux membres du groupe) et Arthur « Guitar Boogie » Smith.
On aura aucun mal à reconnaitre le titre d’ouverture rentré dans l’inconscient collectif : « Hey, hey mama said the way you move - Gon' make you sweat, gon' make you groove …Oh yeah, oh yeah ah, ah, ah ah … » figurant sur le Led Zeppelin IV. Du LED ZEP, le groupe nous en refourgue une cuillère avec « Whole Lotta Love », titre que les anglais ont plus que pompé sur le « You Need Love » du bluesman Willie Dixon. Les Small Faces n’oublièrent pas d’accréditer Dixon sur leur adaptation de 1966 « You Need Loving ». La combinaison banjo, mandoline, guitare acoustique, violon et contrebasse fait encore une fois malheur sur ces deux pièces.
A contrario, il faudra tendre plus légèrement l’oreille pour que « War Pigs », morceau figurant dans l’album « Paranoid » de BLACK SABBATH, finisse par faire tilt. Avec la version de la blueswoman Ruthie Foster, on a là entre les mains ou les oreilles l’une des relectures les plus captivantes du morceau de la bande à Osbourne, plus innovante que les copies serviles de Faith No More ou Michael Schenker Group. La formation transforme le « Rockin’ In The Free World » de Neil YOUNG en une ritournelle des Appalaches, rien de commun avec les essais rentre dedans de BIG COUNTRY, PEARL JAM ou BON JOVI.
Même impression avec « Holiday », piste piochée dans le répertoire de GREEN DAY, groupe Punk Rock californien et plus contemporain. Le fiddle apporte une touche mélancolique nettement moins dans l’agressivité par rapport à la version originale. Autre morceau tiré du contemporain avec « This Fire » de FRANZ FERDINAND travesti ici en une quadrille péquenaude. Il n’y a plus qu’à dégainer, tirer un coup de guns en l’air, boire de la gnole au goulot d’une cruche et de se mettre une mine comme tout cowboy qui se respecte. Dernier titre en provenance du nouveau millénaire avec l’impayable « Roses » d’OUTKAST, un groupe de Hip Hop adepte du second degré. Et du second degré et de la drôlerie, le groupe en fourmille.

Les compositions tantôt créations de John Wheeler ou œuvres de Don Wayne Reno oscillent entre Bluegrass traditionnel comme l’instrumental « Blind Beggar Breakdown », « Uncle Virgil », le remuant « Mountain Man », « Marijuana » et Hillbilly appalachien « Kirby Hill » une vraie quadrille montagnarde, ou « Moonshiner’s Daughter » où une guimbarde peu farouche donne la réplique au banjo.


Si les membres du groupe font souvent preuve de virtuosité mais aussi d’humour parfois proche de la bouffonnerie, ils délivrent également des clins d’œil caustiques touchant au quotidien social. Le dernier titre n’est pas anodin. « Dueling Banjos » représente un bel hommage à Don Reno, père des frères Reno et l’un des banjoïstes les plus sous-estimés et également coauteur du morceau avec Arthur Smith, le bonhomme qui attaqua la Warner pour cause de non versement de royalties, suite à l’utilisation du titre dans le film de John Boorman « Délivrance ». Arthur « Guitar Boogie » Smith remportera haut la main son procès contre le consortium et investira une partie de son dédommagement dans la fondation du label indépendant CMH, un pied de nez pour l’Industrie du Cinéma et pour Hollywood. Ce dernier morceau met au grand jour la virtuosité des musiciens, leur reprise n’ayant rien à envier à celles des Dillards, au duo Weissberg/Mandel, d’Earl Scruggs ou de l’acteur Steve Martin.

Un disque dans le prolongement du précédent plus personnel mais moins percutant. On notera qu’entre le 4ème et ce 5ème disque, Don Wayne Reno est devenu Révérend, ce qui ne l’empêche pas de se livrer à quelques bonnes pitreries sur scène.