7vet Kelc'h, « 7ème Cercle » pour un septième album, si l'on compte le live de 2008. Mine de rien, voilà plus de quinze ans que Straed an Amann est sorti, et même vingt-cinq depuis que DOM DUFF a débuté sa carrière. Belle longévité pour un artiste que l'on peut, sans craindre de se tromper, voir aujourd'hui comme une des figures incontournables de la musique bretonne actuelle, hors musique traditionnelle. Dernièrement, le Léonard avait toutefois accusé une petite baisse de forme avec K'kwll, disque somme toute assez peu marquant après son flamboyant Babel Pow Wow trois ans plus tôt. Rien ne clochait sur K'kwll, mais rien ne retenait vraiment l'attention non plus, si ce n'est deux-trois morceaux comme d'habitude un peu au-dessus du lot. Pour faire bref, 7vet Kelc'h se situe exactement entre ces deux disques. Meilleur que K'kwll, sans être aussi bon que Babel Pow Wow, avec lequel il partage pourtant beaucoup de similitudes.

Comme sur Babel Pow Wow, on retrouve ici notre guitariste aux prises avec un folk d'une grande fraîcheur, puissant et aventureux, quelque part entre Christy MOORE, Bruce Springsteen et Youenn GWERNIG. DOM DUFF repart au galop sur les sentiers des abers, à travers champs par la lande et les vallées humides où quelques bien rares enclaves ont encore gardé leurs talus et le « baragouin » des anciens.

Comme sur Babel Pow Wow, l'auditeur se délecte sur 7vet Kelc'h de morceaux très énergiques, souvent simples mais bien sentis, lumineux, à l'instar de « Treizh an Diaoul » ou encore d'« An Drailher Daonet ». Mention spéciale à l'électrique « Ar Bleiz Diwezhañ », fière et entraînante, soutenue par le violon de Coralie Louarnika. Un peu plus loin, l'excellente « Krenañ gant an Anken » se lance dans une ronde aux accents balkaniques. La chanteuse KOHANN – la « Björk bretonne » – se joint à la koroll aux côtés du gars Dominique, de même qu'à celle de « Liesliv », plus lente et affligée. Dans le même registre que cette dernière, « Ar Gurunenn » se distingue aussi par son texte, écrit en collaboration avec Bernez TANGI. Signalons également la présence d'un autre routier de la scène bretonne derrière les fûts, en la personne de Konan MEVEL.

Comme sur Babel Pow Wow, l'album comporte quelques pistes plus curieuses. « 7vet Kelc'h » est un exercice autour du chiffre « seizh », sept en breton, que l'on retrouve dans de nombreuses expressions. Pas de guitare, uniquement de la voix et des percussions, le morceau est construit comme une incantation, rappelant à la fois les formules des guérisseurs et les étranges prières de certains personnages dans les Compagnons du Crépuscule. Plus inhabituelle est encore « Des Chemins Creux », qui surprend d'abord par un bon beat électronique en guise de rythme, et ensuite par ses paroles en français. N'en déplaise à certains, c'est aussi l'un des meilleurs morceaux de l'album.

Comme pour Babel Pow Wow, 7vet Kelc'h est aussi à saluer pour la qualité de ses textes auxquels les compositions donnent vie avec justesse. DOM DUFF alterne entre évocations brumeuses, plutôt mystiques (« Ar Gurunenn », « Krenañ Gant an Anken », « Gwrac'h an Aber Don ») et road trips vivifiants (« Des Chemins Creux », « Treizh an Diaoul »). « Ar Bleiz Diwezhañ » chante la fin des derniers loups en Bretagne et « Liesliv » les mille visages de la langue bretonne. Quant à « An Drailher Daonet », doit-on y voir un hommage à un artiste en particulier ? Nombreux sont ceux en Bretagne, « étrangers dans leur pays », qui pourraient correspondre, déclameurs d'une langue devenue exotique, à l'instar finalement de DOM DUFF lui-même. Est-ce donc lui, ce « brailleur damné » ?

Vous l'aurez compris, 7vet Kelc'h est en quelque sorte le petit frère de Babel Pow Wow. Sans être un simple copier-coller, on y retrouve cette même envie, cette même fougue parfois, qui font de cet album une demi-heure très plaisante. Manquent cependant à l'appel des morceaux du calibre d'« En Tu All d'an Treizh », absence que ne compensent guère les deux live « E Finn Park » et « Buan Yann Buan » en fin de disque. Certains, parmi lesquels les amoureux de Straed an Amann et Lagan, regretteront peut-être une musique aussi plus épurée. Mais ne crachons pas dans la « soubenn » pour autant, car DOM DUFF nous revient cette année avec un septième cercle des plus agréables, offrande idéale pour ses quinze années de carrière !