Il n’est un secret pour personne que « Smoke on the water » fut inspiré d’un fait bien réel. Ian Gillan et ses acolytes assistaient au concert des Mothers of invention quand un projectile enflammé embrasa le casino de Montreux. Panique, évacuation d’urgence et fumigènes d’un nouveau genre. Zappa s’improvise secouriste d’un soir et tout est bien qui finit bien… ou presque : aucune victime mais le matériel du groupe réduit en cendres. Quelques jours plus tard, Frankie se fait projeter de scène par un spectateur éméché et restera immobilisé plusieurs semaines. Le film « 200 Motels » est un bide commercial et les frais engagés ne seront jamais amortis. Les caisses sont vides, le groupe se délite… tout baigne.

Que reste-t-il de cette période calamiteuse ? Quelques mauvais souvenirs, des dettes, une jambe plâtrée et un disque, « Just another band from L.A. ». Enregistré peu de temps avant sa dissolution, ce dernier témoignage public des Mothers deuxième manière sortira courant 1972, alors que Zappa est déjà passé à autre chose, et manquant de peu de croiser « Waka Jawaka » dans les bacs. Capturé en août 1971, ce concert s’affirme comme la suite logique du « Fillmore East ». Même ambiance, mêmes délires et hélas, même qualité sonore. Zappa conserva toutes les prestations du groupe depuis 1968, et un deux pistes trafiqué sera longtemps utilisé pour des raisons techniques. Un son en conserve, sans profondeur ni dynamique, qui ne joue pas en la faveur de cette formation déjà bien décriée.
« Just another band from L.A. » se montre toutefois plus convaincant que le concert de juin. Eddie & Flo (nia nia nia) sont toujours axés sur la chose, mais le disque propose un matériel intéressant. De bonnes versions de « Dog breathe » et « Call any vegetable », un inédit plutôt honnête « Magdalena », et surtout l’imposant « Billy the mountain », inédit lui aussi. Ce titre constitue la tranche la plus nourrissante du hamburger. Une fresque de vingt-cinq minutes qui jette les bases de cette musique narrative « cartoonesque » et qui trouvera son aboutissement sur « The adventures of Gregery Peccary ». Cette suite s’articule autour d’un riff récurrent qui dégénère mais auquel on revient sans cesse, comme un fil rouge.
Billy est une montagne qui fit fortune en vendant des cartes postales à son effigie et partit faire carrière à Hollywood. L’occasion de goûter une dernière fois aux digressions théâtrales d’Eddie & Flo (nia nia nia) capables de faire monter la sauce avec rien. Billy réapparaîtra dans les aventures de Gregory Peccary ; l’univers zappien est un monde à part entière où mélodies, citations et personnages se croisent au gré des albums.
Malgré ses relatives insuffisances, cette deuxième mouture aura au moins conservé l’esprit déjanté de la première ; une troupe acquise à la cause du délire, et une pochette typique des Mothers sixites (avec Zappa plâtré) atteste de cette filiation. Un live posthume nettement plus recommandable que celui du Fillmore, malgré la note identique, et donc sévère, que je lui applique