Après un premier album plein de promesses, malgré une production plutôt déficiente, le guitariste Ben PEELER quittait le groupe et était remplacé au sein des MAVERICKS par David Lee HOLT, une fine gâchette qui avait joué avec Carlene CARTER et allait se distinguer au sein du Joe ELY Band ainsi que dans STORYVILLE, groupe formé, entre autres musiciens, par la section rythmique de Stevie Ray VAUGHAN. C'est avec lui, donc, que le groupe se rendait en studio pour enregistrer son second album, "From Hell To Paradise".

Inutile de dire que cet album n'a rien à voir avec le précédent, quand bien même 4 titres sont issus du premier et réenregistrés pour l'occasion. L'apport de David Lee HOLT est clairement identifiable, avec une guitare particulièrement acérée où la compression joue à plein son rôle. Par ailleurs, la production a été confiée à Steve Fishell, lequel a apporté plus de dynamique aux huit titres écrits par Raúl MALO sur les dix proposés, ainsi qu'aux reprises "Hey Good Looking" de Hank WILLIAMS, Sr. et "Excuse Me (I Think I've Got A Heartache)", un titre que Buck OWENS avait popularisé en 1960. Nous sommes donc, pour une part, dans la tradition de la country américaine pour les MAVERICKS avec une évolution vers la modernité grâce au talent d'écriture et la voix fantastique de son leader.

"A Better Way" est un des quatre titres avec "The End Of The Line", "This Broken Heart" et "Mr. Jones" revisités pour l'occasion. C'est d'ailleurs par ce dernier que la galette débute et le moins que l'on puisse dire est qu'il y a pire comme introduction à un album. Lancé par les guitares acoustiques, renforcé par un dobro délicat, ce titre nous invite à taper du pied avant que l'ensemble de la cavalerie ne s'y mette. Rien à voir avec la version sortie deux ans auparavant. La voix de MALO est encore mieux maîtrisée, notamment dans les parties hautes. Et les soli, en tête ceux de la guitare lead, sont de toute beauté. Dès les premières notes, on sait que l'on n'est pas en présence d'un disque anodin. C'est du très haut niveau, "The End Of The Line" confirmant l'impression laissée par cette entrée en matière avec la sensation d'être transportés par une locomotive à pleine vitesse. Chacun des instruments se détache par rapport à son voisin et on peut rendre hommage au producteur qui a relégué à cent lieues l'effort précédent. Même la plaintive "This Broken Heart" prend aux tripes, la voix de MALO jouant le registre du crooner sur un lit de pedal steel et un solo de HOLT tout en délicatesse mais avec un son monstrueux pour le plaisir de nos esgourdes.

Mais si les reprises des quatre titres sont largement magnifiées, les six autres n'ont rien à leur envier. La reprise de OWENS, "Excuse Me (I Think I've Got A Heartache)", est excellente, "I Got You" a une orientation rockabilly dans sa construction tout comme "Hey Good Looking", une chanson qui a été jouée par tellement de grands (Buckwheat ZYDECO et Dwight YOAKAM, Ray CHARLES, Roy BUCHANAN, Dean MARTIN…) et qui pourrait être un piège, mais qui vaut largement les plus belles cover de ce titre intemporel. De même, la mélodie faussement simpliste de "Forever Blue" est un très bon country-rock invitant à la danse.

Et puis il y a deux titres qui se distinguent : le morceau éponyme avec ses accents latins qui nous introduit, sans que l'on s'en rende vraiment compte, dans l'univers futur des MAVERICKS quand ceux-ci auront changé de style, les paroles finales étant chantées en espagnol sur des paroles de Raúl MALO relatant l'expérience des réfugiés cubains aux Etats-Unis (sujet bien connu de l'intéressé dont les parents avaient fui le régime castriste). Et surtout "Children", une valse faisant partie de ses plus belles créations. Ce titre traite de la maltraitance sur des enfants et est soutenu par un violon et une mandoline qui se répondent avant que des chœurs juvéniles viennent clore cette chanson et, par la même occasion, ce disque. Une des plus belles conclusions d'album que je connaisse.

C'est par cet album que je suis entré en 1993 dans l'univers des MAVERICKS pour ne plus jamais en sortir. Un disque sur lequel je reviens régulièrement et qui me rappelle certains jours heureux. Alors, certes, "From Hell To Paradise" n'est pas l'album qui s'est le plus vendu du groupe, largement supplanté en ce sens par son successeur. Mais sa beauté reste intemporelle et les 37 minutes qui le composent sont des minutes qui dépassent très largement le cadre de la country. Ce n'est, en effet, pas que cela : c'est de la musique.

Note réelle : 4,5/5