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BRAINTICKET - Adventure (1980)
Par AIGLE BLANC le 24 Juin 2020          Consultée 800 fois

BRAINTICKET n'a jamais été une formation hyper solide au succès apte à la hisser au rang de groupe professionnel. N'est pas PINK FLOYD qui veut pour ne citer qu'un exemple parmi d'autres. Quand on étudie sa discographie, on est frappé par le changement constant de label à chaque opus, la fluctuation non moins régulière des membres ayant croisé sa route, sans oublier l'écart en années séparant les albums et qui va en s'accroissant à partir du 4°opus. C'est ainsi qu'un fossé de 7 ans se creuse entre Celestial Ocean (1973), son avant-dernier album en date, et son successeur Adventure (1980) occupant les lignes que vous lisez à l'instant. De même, 2 ans s'écouleront entre celui-ci et le 5° album Voyage tandis que le 6° enregistrement studio (Alchemic Universe, 2000) ne naîtra que 18 ans plus tard. Bien que Joël Vandroogenbroeck n'eût en rien dédaigné un succès plus massif de son entité, il faut reconnaître que l'aspect protéiforme d'un groupe à géométrie variable comme BRAINTICKET lui confère paradoxalement une assise créatrice à faire pâlir d'envie n'importe quel supergroupe. Bien que différent du précédent, chaque opus du groupe de Joël Vandroogenbroeck dégage une ambiance singulière née de ses couleurs intrinsèques que ne reproduit jamais complètement, voire pas du tout, son successeur.
Dans les années 70, 7 ans de silence discographique équivalent à un véritable suicide commercial et artistique, d'autant plus quand on songe à tous les groupes ayant émergé entre 1975 et 1980. Comment BRAINTICKET saurait-il résoudre l'abysse existant entre 1973 et 1980? Comment réconcilier son psychédélic-space-rock initial, même précurseur, après une période ayant connu les rugissements successifs du rock arty ou savant (appelé communément Rock Progressif), la fièvre des boules à facettes jusqu'au tréfonds des petits matins exténués du Disco, et la rébellion sauvage et légitime du Punk duquel naîtraient bientôt les premiers pas balbutiants de la sombre et robotique New-Wave?

Adventure nous en livre une réponse évidente. BRAINTICKET reste indéfectiblement un groupe inclassable par son habitude de ne jamais suivre la mode et de ne jamais surgir là où même son public pourrait l'attendre. Joël Vandroogenbroeck pour commencer, ne l'oublions pas, s'est illustré musicalement dans le jazz, genre qu'il n'a jamais réellement renié, ne serait-ce que par la place primordiale accordée à l'improvisation dans ses créations, qu'elles soient solo ou collectives. Le jazz revient en force d'une certaine façon dans ce quatrième album, du moins le jazz pratiqué à cette époque par Herbie HANCOCK et, dans une moindre mesure, par Miles DAVIS.

7 ans de silence ne signifient pas 7 ans de sommeil sans rêve. Joël Vandroogenbroeck a le temps durant cette période d'enrichir ses connaissances musicales. Au fil de plusieurs voyages à destination de Bali, il bénéficie de l'enseignement de Joged Bunbung, un maître des instruments en bambou qui lui apprend la technique pour les confectionner. Il crée lui-même à son tour une harpe éolienne pour mieux savourer ensuite la magie des sons aléatoires générés par le vent soufflant sur les cordes de son instrument. Sa découverte de la musique indonésienne le conduit ainsi aux confins du new-age quand les sons naturels écoutés d'une oreille attentive et ouverte à l'inconnu finissent par faire entendre leur musique interne. Evidemment, toutes ces nouvelles sources d'inspiration influencent fortement Adventure comme nous le verrons plus loin. Cette ouverture aux musiques du monde, loin d'être inédite chez Joël, ne fait qu'enrichir sa culture déjà initiée auparavant par la découverte de la musique indienne -n'oublions pas que le leader de BRAINTICKET reste en Suisse comme en Europe l'un des très rares musiciens maîtrisant le sitar cher à Ravi SHANKAR.
Il travaille aussi durant toutes ces années pour le label munichois Coloursound Library qui approvisionne en thèmes divers et variés des génériques d'émissions télévisées ainsi que des films, activité des plus lucratives s'il en est. Au sein du label, Joël Vandroogenbroeck publie une série de 18 albums d'ambient-new-age-expérimentaux, parmi lesquels figure Biomechanoïd (1980) dont H. R Giger signe l'emblématique pochette dans le pur esprit d'Alien, le film de Ridley Scott venant d'obtenir l'année précédente un véritable succès planétaire, autant d'opus regroupés en 2015 sous le titre Colorsound Box où l'on évoque l'influence de Conrad SCHNITZLER.

Lors de l'enregistrement d'Adventure, Joël retrouve son percussionniste de Psychonaut et de Celestial Ocean, Barney Palm, lui-même revenu transformé musicalement d'un long séjour à Bali. Se joignent à eux le claviériste Wilhelm Seefeldt, un expert aussi bien en musique électronique qu'en instruments primitifs, et Hans Deyssenroth, créateur du premier séquenceur assisté par ordinateur. Le quatuor s'enfermant dans le studio personnel d'un ami se lance dans des sessions d'enregistrement dont l'improvisation reste le maître-mot. Le pedigree de chacun, qui aurait pu dissoudre la cohérence de la musique enregistrée, trouve contre toute attente une indéniable harmonie. Adventure requiert de l'auditeur la même ouverture d'esprit que Celestial Ocean, c'est-à-dire une aptitude à se laisser porter par une musique aléatoire parcourant nombre de climats variés comme autant d'étapes d'un voyage aux confins de l'Indonésie et de l'imaginaire. L'album garde une empreinte fortement électronique, proche de Klaus SCHULZE et de l'école berlinoise, à laquelle se greffent des plans world sensibles dans l'utilisation des percussions en bambou. Certains passages évoquent même l'école de la musique concrète, mais sans le caractère froid ni désincarné des travaux de Pierre SCHAEFFER et Pierre HENRY.

Adventure contient deux longues plages avoisinant les 20 minutes, un peu à la manière du TANGERINE DREAM de Tangram (1980), c'est-à-dire un titre par face du vinyle, traversant plusieurs atmosphères et variant les styles. Avec son clavinet, Joël délivre un beau solo vers la 10ème minute de Adventure 1, que n'aurait pas renié le grand Herbie HANCOCK. Barney Palm n'est pas en reste non plus, ses percussions inventives et originales soutenant régulièrement l'ossature des deux titres. S'il n'y a malheureusement pas de moments assez forts pour constituer le climax de l'album, l'ensemble s'écoute avec plaisir sans jamais se départir d'une certaine élégance du propos et d'une fluidité dans l'enchaînement des thèmes digne du grand Mike OLDFIELD de Hergest Ridge.
Les amateurs de l'école berlinoise (ASHRA TEMPEL, Klaus SCHULZE, TANGERINE DREAM) devraient apprécier le travail présenté ici, sans oublier les fans du jazz soul et funky de la fin des années 70 ni ceux de la musique new-age qui goûteront certainement l'humeur rêveuse des deux faces de l'album.

La grande absente de cette nouvelle incarnation de BRAINTICKET reste la voix, Adventure misant tout sur l'instrumental. A défaut d'être un grand album ni de musique électronique ni de jazz-rock, cet opus s'avère suffisamment original et varié pour constituer un attrait sans faille.

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   AIGLE BLANC

 
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- Joël Vandroogenbroeck (clavinet, flûte, synthétiseur)
- Hans Deyssenroth (computer, piano électrique, synthétiseur)
- Wilhelm Seefeldt (computer, synthétiseur)
- Barney Palm (percussion)


1. Adventure Part 1
2. Adventure Part 2



             



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