AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

C'est la musique d'un film que je ne verrai pas. Sauf si une âme charitable propose de vendre son DVD à prix raisonnable (pas 40 euros donc) avec adaptation française au moins en sous-titres... Dans tous les cas, nul ici n'est forcé d'avoir vu un film avant de parler de sa musique, donc autant en profiter, quand les conditions l'obligent.

McVicar (1980), produit par la société The Who Films (comme le Quadrophenia de Franc Roddam une année plus tôt), est une illustration au cinéma de la vie de John McVicar, criminel anglais célèbre des années 60, incarcéré dans la prison du comté de Durham pour vol à main armée. Il s'est échappé et s'est vu recapturer plusieurs fois. Ses 25 années de peine initiales trouvent fin lors de son acquittement en 1978, en partie influencé par des études de sociologie qui le conduisent par la suite à exercer le métier de journaliste. Il fait paraître son autobiographie peu après sa sortie officielle de prison et écrit lui-même le script du film en question.

Tous ceux qui ont pu apprécier Roger DALTREY cinq années plus tôt dans un rôle principal (pour Tommy, de Ken Russell, 1975) ont de quoi trouver ici leur bonheur, même si le ton est très différent. Et puis il y a la B.O. qui contient pas mal de chansons taillées pour lui ! Les WHO sont quand même présents dans la bande sonore, non plus sous forme classique étant donné que Keith Moon est mort et que Kenney Jones l'a remplacé, mais plus adulte.

Si quelques accents de Pete Townshend se font entendre à la guitare sur "My Time is Gonna Come", on goûte davantage le bonheur d'avoir John "Thunderfingers" Entwistle sur la moitié des titres. John "Rabbit" Bundrick officie pas mal aux claviers également. De fait, en dehors de collaborateurs amis comme Billy NICHOLLS et Russ Ballard (tous deux compositeurs), ce dernier ayant été présent dès le premier de DALTREY en solo (idem pour Adam FAITH, acteur-chanteur qui tient le second rôle le plus important dans McVicar), plusieurs personnes jugent ce disque comme l'un des meilleurs albums des WHO sans chanson originale écrite par le groupe ! Et on rencontre des musiciens de marque, adaptés, loin de la caricature de One of the Boys (précédent album de DALTREY en 1975) : Dave Mattacks (batteur de FAIRPORT CONVENTION), le percussionniste Franck Ricotti.

La qualité est belle et bien au rendez-vous. Les premières splendeurs fournies par DALTREY avec ou sans les autres depuis Who Are You (1978) s'appellent "Just a Dream Away" et "Without Your Love". Des réussites en matières de pop-rock soft, aérien en vogue avec cuivres, congas, guitares léchées, contrebasse veloutée de Herbie Flowers quand "Thunderfingers" ne vient pas corser. La touche californienne de "Waiting for a Friend" est fraîche au possible et Entwistle s'y sent particulièrement à l'aise ; notons qu'il enregistre quelques mois plus tard un album dans le même style en compagnie de Joe Walsh (EAGLES). "Bitter and Twisted", rock avec synthés prédominants mais pas encore connoté 80's, est une belle tentative de mélanger la modernité et le Roger DALTREY héroïque à l'ancienne, même s'il lui faut passer par un chant plus grave.

La classe, à l'instar de "Free Me", chanson où Voix d'Or pousse le mieux dans sa soul personnelle. On entend des cuivres massifs, mais surtout une alliance assez inouïe entre DALTREY, la basse massive de son vieux collègue John Entwistle, un beat de batterie funk tenu de main maître par Stuart Elliott (musicien de Kate BUSH) et les guitares acoustiques slide de Jo Partridge. Ce formidable musicien cornouaillais aux influences country, trop méconnu, joue sur les albums de Kiki DEE, pour Peter GABRIEL au festival de Reading en 1979 (avec aussi David Jackson et John Giblin !) et un an plus tard en 1981 sur le magnifique "The Roof is Leaking" de Phil COLLINS (également présent à Reading avec le Gab' !), assez unique dans sa carrière.

Cependant, tout n'est pas rose puisqu'on parle de l'univers carcéral, de l'Angleterre des anti-héros. Par exemple, "My Time is Gonna Come" est une chanson de film noir, chose qui peut rappeler à DALTREY et Townshend le moment où il pastichaient le générique de la série Batman dans leurs jeunes années (voir l'album A Quick One, version remasterisée). La basse "métallique" est tenue cette fois par Dave Markee qui a travaillé pour Frank ZAPPA, Eric CLAPTON mais aussi Henry MANCINI !

Il y a aussi deux instrumentaux ; album de chanteur certes, mais on parle d'une B.O. ! Les deux "Escape" sont plutôt intéressants - mention spéciale au premier -, avec leurs effets blues-rock décalés, leurs boucles de synthés, leurs cuivres et solos de flûte jazz par Ron Aspery. Certains peuvent bien ne jurer que par le premier album solo de Roger DALTREY mais, pour l'heure, celui-ci est mon préféré, surprenant, parfois foutraque mais inspiré !