In The Shadow Of The Sun est à l’origine un film du réalisateur britannique Derek Jarman, tourné en super 8mm entre 1972 et 1974 et dont le coût total ne dépassa pas les 100 livre sterling. Enregistrée en 1980 pour la même somme d’argent, la bande-son de ce film pour le moins underground est exactement une improvisation de 56 min. 51 sec. sans mots et sans slogans. Un pur morceau instrumental.
Le résultat final fut projeté au Berlin Film Festival, en février 1981.

Mettre ce disque dans son lecteur ou sur sa platine est un acte de foi. On s’embarque volontairement pour une heure de plénitude vue d’en dessous – vue des entrailles de la terre. Un trip, ni plus ni moins. Et, ce qui n’a peut-être pas été jaugé à sa juste valeur (à l’époque bien sûr, mais encore aujourd'hui), une quasi complète réussite dans le genre ambient ; genre qui comptait fort peu de représentants à l’époque, faut-il le rappeler. Surtout de l'ambient de ce type, car on est tout de même très loin des travaux d’un Brian ENO, par exemple. On est ici sans arrêt captivé mais d’une toute autre manière qu’on l’était avec les précédents opus du projet THROBBING GRISTLE. In The Shadow Of The Sun, c’est la bande-son d’un monde qui, ayant sombré depuis la nuit des temps, refait surface.

Tubular bells, echo, reverb, orgue passé sous phaser, delay, longs vagissements de damnés : Tout concorde ici pour créer une atmosphère de catacombe subtilement éclairée. Encore qu’il n’y ait pas vraiment de parois ni de sol ici, tant la sensation de flotter hors réalité est puissante. On pense (enfin moi surtout) à ces mots de Henri Michaux ("Connaissance par les Gouffres") qui pourraient, dans une réalité parallèle, avoir été écrits spécialement pour cet album : "La musique – je le comprenais à présent – est une opération pour se soustraire aux lois de ce monde, à ses duretés, à son inflexibilité, à ses aspérités, à sa solide inhumaine matérialité."

Cela dit, pour rester objectif, le dynamisme propre à THROBBING GRISTLE fait quelque peu défaut par endroit, ce qui fait que certaines longueurs donnent l’impression d’une expérimentation où chaque musicien cherche ce qu’il a encore de commun avec les autres. D'une manière générale, il manque ce petit grain de sel de folie qui faisait tout le charme d’une improvisation comme "After Cease To Exist". Mais ce sentiment de relâchement ou d’abandon est en même temps ce qui donne à ce voyage son goût si singulier. On ne s’ennuie pas, mais on s’égare facilement.

Enfin, il est intéressant de noter que cet album sortira trois ans après la dissolution du groupe en 1981. Entre temps, Peter, Genesis, Chris et Cosey ont donné naissance à trois entités légendaires et bien distinctes les unes de des autres : COIL / PSYCHIC TV / CHRIS & COSEY.

Un disque à part dans la vaste mais brève histoire du groupe fondateur de la musique industrielle.