Le premier album éponyme prend encore la poussière dans les bacs des disquaires qu’Elektra décide de remettre le couvert sans trop se soucier de débarrasser la table. Il faut savoir anticiper en matière de musique et cette sortie que certains jugeront probablement précipitée parait dans les bacs dès novembre 71.

Cette fois, Jake Holzman supervise d’une oreille discrète ou distraite la session. On a placé Carly SIMON sous la houlette de Paul Samwell-Smith. L’ancien guitariste des YARDBIRDS connait un certain succès auprès de Cat STEVENS, l’anglais vient de coproduire la bande son du film "Harold et Maude" d’Hal Ashby, une croustillante histoire sur les enterrements et le suicide et accessoirement une idylle entre une septuagénaire et un adolescent.

Carly SIMON ne tient plus une pose bancale à l’instar de la précédente pochette, cette fois elle est debout et semble ouvrir ou empêcher tout passage à Regent’s Park, l’un des jardins royaux situé entre Camden et Westminster. On retrouve le fidèle mais ennuyeux Jacob Brackman sur trois titres coécrits avec la chanteuse. "The Girl You Think You See" s’annonce dans un décor Folk romantique qu’essaie d’instaurer Carly SIMON. Mais la mélodie n’accroche encore une fois l’oreille à aucun moment. N’est pas Joni MITCHELL qui veut ! Même impression avec "Share The End" si ce n’est que cette fois l’apport de chœurs débouche sur une tonalité involontairement céleste. On prend les mêmes ingrédients (piano, guitare acoustique) sur "The Garden", mais encore une fois la ligne mélodique ne parvient pas à susciter la moindre accroche.
La pianiste délivre cinq compositions presque toutes aussi lassantes, maussades et interminables les unes que les autres : "Our First Day Together", "Three Days", "Julie Through The Glass" ne parviennent jamais à diffuser un soupçon de gaité. Si la base piano, chant alto et guitare acoustique peut s’avérer comme une bonne fondation, il convient de ne pas en abuser. Si "Legend In Your Own Time" se révèle un brin plus percutant, on lui préfère "Anticipation", une ballade Folk surfant entre romantisme et jérémiade sentimentale.

"Summer’s Coming Around Again" coécrit avec le pianiste Paul Glanz (futur membre de MEAT LOAF) et Jimmy Ryan distille une énième ballade Folk avec quelques gouttes de Bossa Nova, pas assez pour intéresser le quidam. En fait si le titre d’ouverture se classa à la 13ème place des classements américains, ce disque ne vaut aujourd'hui par son titre de fermeture "I’ve Got To Have You", une ballade sentimentale de Kris KRISTOFFERSON. Et encore, il aura fallu attendre les deux tiers de la chanson pour que la guitare s’emballe enfin avec quelques ruades bienvenues qui nous sortent de notre léthargie. Le titre sera repris en duo par son auteur et Rita COOLIDGE dans l’album Breakaway.

La monotonie de cet album demeure incroyablement égale du début à la fin. Les arrangements piano cordes risquent d’épuiser la patience des auditeurs les plus indulgents. La concordance des mélodies, souvent très voisines, ne parvient presque jamais à retenir l’oreille. Il n’y a aucune fulgurance dans cet album, hormis le timbre plaintif de Carly SIMON qui finit par lasser tout amateur de ballade voguant entre Folk et chanson de style fleur bleue. Un demi-siècle après sa sortie, il faut avoir entrepris un sacré sacerdoce pour bien apprécier l’album, chose qui n’est pas donnée à tout le monde. Comme l’annonçait la célèbre strophe de Verlaine sur Radio Londres : "Blessent mon cœur d’une langueur monotone !". Un disque ennuyeux, interminable et pour tout dire assommant. Pas la peine de s’éterniser dessus, notre temps est trop précieux !