Ce Juke Box de notre Bill HALEY est la dernière tentative du papounet du Rock'n'roll de rester actif parmi ses pairs, en tachant de ne pas sombrer corps et âme. La tâche est ardue car l'artiste et son groupe sont au croisement des fifties et des sixties, le groupe majeur à avoir l'identité la plus rétro, il sera difficile de s'adapter aux modes à venir ! Warner accepte donc de financer cet opus, qui s'annonce clairement comme un retour aux sources... Imaginez donc la tête des amateurs de rock en 1960 face à une telle ambition ! C'est le onzième opus des comètes, et pour le moment on va essayer de ne pas s'écraser !

Du coup, le disque oscille entre la country annoncée et la fidélité au rock des pionniers, son fond de commerce. Du rock donc : "Singin The Blues" débute pas mal, même si le son n'a rien de bien moderne, mais le chant de Bill le fait pas mal, et les interventions de Frannie Beecher sont superbes, tout au moins pour l'époque. Il reste un zeste d'esprit doowop sur "No Letter Today", avec sa lap steel hawaïenne. "There's A New Moon Over my Shoulder" évoque presque Gene VINCENT, avec un Bill HALEY moins velouté qu'à l'habitude. Le style de Bill correspond pas mal à "Detour" de Paul WESTMORELAND, qui se trouve ici sous des atours plus rock que country, avec un solo très en avance sur son temps de Mr Beecher. Le rythme est enfin un brin plus soutenu sur la bluesy "I Don't Hurt Anymore", mais la steel guitar nous les brise menu.

Tout le reste est résolument countrysant : Bill reprenait déjà "Candy Kisses" avec les four aces, près d'une décennie auparavant, un slow country avec violon et esprit fort éloigné du rock. C'est certes mignon mais dieu que c'est vieillot, même s'il sonne parfois comme COCHRAN. Et si vous voulez un slow doucereux à l'orgue romantico tsoin tsoin, "This Is The Thanks I Get" se pose là. Au moins, c'est roots, pas question d'une quelconque countrypolitan de carnaval ici. Mouais... "Bouquet Of Roses" sonne très très daté, et le groupe ne fait rien pour moderniser la composition.

Bien, que faisons-nous du classique de Hank WILLIAMS "Cold Cold Heart" ? Et bien, je ne suis guère convaincu, à comparer avec Jerry Lee LEWIS quelques années plus tard, c'est mou comme du chamallow, à l'image de notre Bill quoi. Le choix de "The Wild Side Of Life" par Hank THOMPSON est désastreux pour coller aux modes du moment, sans être désagréable. On oscille entre Rock et Tonk sur "Anytime", au final, pas la moindre chance d'intéresser les jeunes. On en termine avec une ballade "Poum poum poum poum", un véritable lexomil, c'est "Afraid".

Evidemment, le résultat est catastrophique, c'était à prévoir ! Pas un des singles ne perce, le disque est un flop monumental, Warner lâche Bill et ses comètes en plein No man's land du début des sixties ! Pas facile la vie de rock star, et l'alcool n'aide pas pour sur ! D'un autre coté, on se demande ce qui aurait pu sauver Bill HALEY en cette décennie révolutionnaire, lui qui jouait une musique déjà passéiste dans les fifties. Bref, ça ne va pas être simple d''autant que Frannie Beecher et Rudy Pompilli, deux éminents membres du groupe, s'en vont... Commence la traversée du désert !