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1962 It's Mashed Potato Time

Dee Dee SHARP - It's Mashed Potato Time (1962)
Par LE KINGBEE le 14 Décembre 2021          Consultée 635 fois

Certains artistes viennent à la chanson par de curieux concours de circonstance. Dione LaRue voit le jour en 1945 à Philadelphie. A l’instar de millions de gamines afro-américaines, elle intègre la chorale de la paroisse de son grand-père. Les choses auraient pu en rester là, si ce n’est qu’elle se voit contrainte de donner un coup de main à sa mère, victime d’un accident de voiture et qui se retrouve par la force des choses sans boulot.
Les évènements vont s’enchaîner rapidement pour cette ado de 14 ans. Répondant à une petite annonce, Dione devient une habituée des studios de la ville. Philadelphie s’est spécialisé dans les productions de jeunes idoles adolescentes (Jo Ann Campbell, FABIAN, Frankie AVALON ou Bobby Rydell). C’est elle qui donne la réplique à Chubby Checker, l’un des instigateurs du Twist, danse alors en plein boum, sur le single "Slow Twistin’". Son intervention impressionne fortement Kal Mann et Bernie Lowe, les deux manitous du label Cameo. Ces derniers l’engagent aussitôt et la rebaptisent Dee Dee SHARP, un jeu de mot lié à son timbre en Ré dièse (D Sharp en anglais) et au prénom de son frère Dee.

Si le premier single de l’adolescente enregistré en 1960 est passé complètement inaperçu avec "Ride!" couplé à "The Night", il n’en va pas de même avec "Slow Twistin’" et "Mashed Potato Time" édités en 1962. Les deux titres entrent en force dans les charts le même jour, et la version de Dee Dee éclipse même celle de Chubby Checker avec une belle seconde place. Si "Slow Twistin’" stagne quelque peu, il en va différemment de "Mashed Potato Time" qui occupe la plus haute marche des charts pendant quatre semaines. Il faut dire que la chanson bénéficie de nombreux passages dans l’émission American Bandstand présentée par Dick Clark, un homme qui a aussi placé quelques billes dans le label Cameo. Clark, personnage influent dans le paysage musical du début sixties, n’hésite pas à programmer allègrement la jeune chanteuse dans les tournées Caravan Of Stars qu’il organise et qui lui rapportent bonbon.

Alors qu’à Detroit, Berry Gordy commence à engranger ses premiers succès avec Mary Wells, The MARVELETTES, The SUPREMES ou les Miracles de Smokey Robinson, le label Cameo décide de jouer sur le même échiquier en produisant une musique noire dont on a pris soin d’effacer toutes les aspérités, ne gardant que des nuances largement édulcorées destinées à être vendues au public blanc de teenagers, midinettes et femmes ou ménagères lambda. Devant le carton rencontré par leur jeune pouliche, Kal Mann et Bernie Lowe décident de passer à la vitesse supérieure et expédient leur nouvelle vedette pour enregistrer un disque de danse.

Soixante ans après sa sortie, il y a comme une ironie quand on met à plat la traduction de l’album : "C’est l’heure de la purée". N’y voyez pas de ma part une quelconque raillerie ou un esprit mal placé, la purée en question fait référence à une danse à la mode, le Mashed Potatoes. Cette danse, proche parente du Twist, connaît chez nous une flambée via la version de Johnny HALLYDAY durant l’automne 62 sur la scène de l’Olympia. Ce Mashed Potato mentionné dans "Land Of Thousand Dances", compo de Chris KENNER popularisée par Wilson PICKETT. Cette danse fait partie des nombreuses tendances éphémères qui ont permis aux amateurs des dance floors de l’époque de se défouler, à l’image du Watusi, du Hully Gully, du Jerk, du Locomotion ou du Madison, ce dernier étant toujours très en vogue comme danse de ligne.

Cameo envoie Dee Dee SHARP dès le mois de janvier pour une refonte de "Mashed Potato Time", la chanson se retrouvant raccourcie de 5 secondes. Dave Appell, un ancien grouillot dans les orchestres de Jimmie Lunceford et de Benny Carter devenu guitariste arrangeur au sein des Applejacks, prend Dee Dee sous son aile alors que Kal Mann décide de ne rien changer à la recette. Mais c’est bien connu, les miracles se produisent rarement trois fois de suite, faute de matière et d’auteurs compositeurs de premier plan. Aucune chanson hormis celles précitées n'a connu un succès dans les charts, l’album se classant toutefois à une honorable 42ème place dans les classements du Billboard.

Placé en seconde position, "Slow Twistin ‘" étonne encore aujourd’hui par la virulence du chant d’une ado de 16 ans qui met sous l’éteignoir Chubby Checker, dont le chant s’inscrit carrément dans le registre d’un vieux-beau. Sur ce titre, c’est bien Dee Dee qui tient les rênes de l’attelage. Une version bien plus croustillante que la reprise des MARVELETTES ou l’adaptation française de Danny Logan et de ses Pirates.
En ouverture, Kal Mann et Dave Appell s’improvisent auteurs compositeurs avec "Gravy (For My Mashed Potatoes)", titre dont la mélodie tente de reprendre le chemin de "Mashed Potato Time" sans vraiment y parvenir. Si le titre n’a rien d’extraordinaire, le dynamisme de la chanteuse permet de maintenir l’illusion. Une version bien supérieure à celles des Orlons ou du bon Chubby Checker, ce dernier lorgnant désormais sur les succès de ses jeunes concurrents, telle l’hyène sur la carcasse d’un gnou.
Histoire de rompre avec ces divers rythmes liés à la danse, SHARP s’offre quelques douceurs avec "Two Loves", une balade avec sax et violonades, ancrée dans le New Orleans Sound. Retour en arrière avec "(Dee Dee) Be My Girl" qui nous renvoie à une sonorité proche du registre Doo-Wop avec l’appui d’un quartette vocal masculin.

Certains titres font l’objet d’un habile recyclage, c’est ainsi que Dee Dee reprend "Gee", titre de Bill Davis gravé par The Crows en 53, une reprise plus enjouée que celle de Jan & Dean, duo pionnier du California Sound et de la Surf Music.
Autre petite récupération avec "One Hundred Pounds Of Clay" popularisé par Gene Mc Daniels. Pour l’anecdote, le titre fut censuré sur les ondes anglaises, les censeurs et moralisateurs ayant mal interprété certains passages, confondant la création de l’homme avec celle de la femme utilisée comme objet sexuel. Quand on vous dit que certains ont l’esprit mal placé ou mal tourné. Toujours est-il que la chanteuse se montre convaincante, nous livrant peut-être l’une des meilleures covers avec celle d’Arthur Alexander. Chez nous, elle est adaptée et chantée par HALLYDAY, Dalida et Richard Anthony avec "Une Poignée de terre", chacun son truc !
Il faut tendre l’oreille pour reconnaître "Eddie, My Love" une guimauve composée par le chanteur des Cadets, Aaron Collins, pour les Teen Queens, ensemble vocal dans lequel figuraient ses deux sœurs. Cette guimauve se voit transformée en berlingot pur sucre par les Chordettes et Jo Ann Campbell. Là, Dave Appell booste le tempo, améliore l’orchestration par l’entremise d’un saxophone tandis que les chœurs occasionnent une coloration festive à l’image des anciens ensembles de Doo-Wop.
Etonnante relecture de "I Sold My Heart To The Junkman", une guimauve popularisée durant les forties par les Basin Street Boys et Dinah Washington. Encore une fois, le tempo monte d’un cran et se rapproche des productions de Phil Spector, s’éloignant ainsi des premières versions larmoyantes.
Bernie Lowe et Kal Mann, deux bons larrons ne rechignant devant aucune entourloupe nous refourguent "Remember You’re Mine", une de leur anciennes compo que Pat Boone fit miraculeusement grimper dans le Top Ten. Une niaiserie hyper geignarde transformée pour le coup en un honnête morceau de Soul early sixties.
SHARP redonne un coup de jouvence à "Hurry On Down", un vieux Rag bluesy de Nellie Lutcher fortement inspiré par "Over To My Love" gravé dans les années 30 par la paire Geeshie Wiley/Elvie Thomas.
En clôture, Dee Dee reprend "Splish-Splash", grand succès de Bobby Darin, nous offrant un titre à la frontière du Rock'n'Roll et d'une Soul ultra-vitaminée.

Quand on vous parlait de purée en préambule, sachez qu’on en retrouve un arrière-goût avec "Mashed Potato Time". Curieusement, c’est bien cette soupe qui fera connaître Dee Dee SHARP dans les ¾ de la planète. Si vous appréciez la purée avec gromelots, on vous conseille l’adaptation d’HALLYDAY, si vous êtes adepte de la Mousline ou toute autre purée en flocons, celle de Malika enregistrée quelques semaines plus tard devrait convenir.

Presque soixante ans après sa sortie, ce sont paradoxalement les deux hits qui se dégustent avec difficulté. On reste toujours étonné par l’expressivité et la pêche d’une jeune chanteuse d’à peine 16 ans. L’orchestration et les arrangements ne sont pas aussi datés en comparaison des productions concurrentes de l’époque. La line-up ne figure qu’à titre suggestif. La suite lors d’un prochain épisode.

Note réelle 2,5.

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   LE KINGBEE

 
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- Dee Dee Sharp (chant)
- Chubby Checker (chant 2-7)
- Dave Appell (guitare, orchestre)
- Buddy Savitt (saxophone)
- Georgie Young (saxophone)
- Roy Straigis (piano)
- Leroy Lovett (piano)


1. Gravy (for My Mashed Potatoes)
2. Slow Twistin'
3. Gee
4. Two Loves
5. One Hundred Pounds Of Clay
6. Eddie, My Love
7. Mashed Potato Time
8. (dee Dee) Be My Girl
9. I Sold My Heart To The Junkman
10. Remember You're Mine
11. Hurry On Down
12. Splish-splash



             



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