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Etta JAMES - Tell Mama (1968)
Par LE KINGBEE le 21 Janvier 2022          Consultée 923 fois

A l’approche de l’été 1967, la carrière d’Etta JAMES prend du plomb dans l’aile. La chanteuse de 29 ans vient de se faire pincer par la patrouille avec de la marijuana et une pincée de poudre blanche, elle doit effectuer un petit séjour en cure de désintoxication afin d’éviter la case prison. Elle est également enceinte de son premier garçon. Au niveau des ventes et des classements, Etta est rentrée dans le rang ; après une année 65 relativement médiocre, elle ne subsiste dans les charts R&B que par l’entremise de "In The Basement – Part I" chanté en duo avec Sugar Pie DeSanto.

Leonard Chess, patron du label Chess, regarde d’un œil avide les succès de son concurrent Atlantic, il n’est pas dupe et sait très bien que les modes et tendances changent au profit d’une Soul Sudiste et l’explosion du label Stax à Memphis. Le bonhomme se demande s’il ne doit pas diversifier sa production en collaborant avec Rick Hall. A l’invitation de la firme chicagoanne, Rick Hall négocie un contrat lui garantissant 100 $ de l’heure pour son studio et 4% de royalties sur les disques dont il assure la production. Face aux résistances de ses propres équipes, Chess décide d’envoyer Laura Lee dans le Sud pour enregistrer "Dirty Man", titre sur lequel tous les producteurs maison se sont cassés les dents. L’essai gravé est concluant et intègre les charts Pop et R&B.
Ce premier test incite léonard Chess à poursuivre sur sa lancée, c’est ainsi qu’Irma THOMAS renoue avec le succès avec "Good To Me", Laura Lee avec "Up Tight, Good Man" et "Need To Belong", Kip Anderson avec "Without A Woman" et le duo Maurice & Mac avec "You Left The Water Running" engendrent des résultats inespérés.

A la fin du mois d’aout 67, Etta James débarque à Muscle Shoals, Chess la confiant aux oreilles expertes de Rick Hall. L’arrivée de la chanteuse en Alabama ne passe pas inaperçue, elle arrive en grande pompe avec une garde-robe surchargée d’une vingtaine de manteaux de fourrure, alors que la température avoisine les quarante degrés, chapeautée par un petit ami à l’allure de maquereau, deux éléments qui interpellent les différents membres de l’équipe. Ce sentiment mitigé change totalement dès la première prise de micro de la chanteuse, le timbre d’Etta James subjugue immédiatement tous les sidemen conviés à l’enregistrement.

Septième album studio d’Etta, "Tell Mama" deviendra son premier disque à rentrer de plein fouet dans le Billboard 200 depuis quatre ans, deux morceaux ayant les honneurs des classements pour singles. La section rythmique de FAME Records associée à cette voix pleine de feeling et à un répertoire trié sur le volet allaient déboucher sur l’un des meilleurs disques de Soul de la décennie.

En ouverture, Etta James assène une première salve avec "Tell Mama", la variante féminine du "Tell Daddy" enregistré par Clarence Carter dans ces mêmes studios dix mois plus tôt. Le peps de la chanteuse, la puissance des cuivres qui sonnent comme les trompettes de Jericho et le tempo de la rythmique transforme ce petit bijou en un véritable diamant étincelant. Repris par Janis JOPLIN, Martha VELEZ, la chanson fera l’objet d’un beau massacre via Diana ROSS. A nos yeux seules, Vaneese Thomas (sœur de Carla) et Missy ANDERSEN parviendront plus ou moins à rivaliser avec la présente version. Second coup de semonce avec "I’d Rather Go Blind", balade intemporelle abondamment reprise mais rarement égalée. Le titre figure au générique du film « Cadillac Records », biopic bourré d’anachronismes et d’arrangements hollywoodiens consacré au label Chess et dans lequel BEYONCE se cassait les dents, comme tant d’autres. Ce standard, composé par Ellington Jordan alors qu’il croupissait en prison et accrédité à Billy Foster pour des raisons fiscales, aura connu son lot de massacres et de bavardage inutile (Marva Wright, Beth HART & Joe BONAMASSA, Mike HUCKNALL ou Layla Zoe). Le titre connaitra également quelques essais brillamment transformés (Koko TAYLOR, Bettye Swann, Connie Lush ou Gizzelle). Derrière ces deux feux d’artifice, Don COVAY apporte deux compos : le fougueux "Watch Dog" * et "I’m Gonna Take What He's Got", une balade typique de Southern Soul dans laquelle la voix et la guitare font feux de tout bois.

Sur l’étagère des balades, plusieurs pistes invitent à la promenade : "The Love Of My Man", compo d’Ed Townsend chantée par Theola Kilgore et plus ou moins inspirée par "The Love Of God" un spiritual des Soul Stirrers. Il suffit d’écouter les versions antérieures de Barbara West, Chuck JACKSON ou Freddie Scott pour s’apercevoir que la puissance de feu n’est pas comparable. Grand succès de Jimmy Hugues, "Steal Away" se retrouve gommé ici de toutes ses influences Country Soul au profit d’une coloration soulfull dans laquelle le timbre de voix fait la différence. Une alternative à l’interprétation pleine de douceur d’Ann PEEBLES. Rick Hall lui refourgue judicieusement "Don’t Lose Your Good Thing" gravé quelques mois avant par Jimmy Hugues dans ces mêmes studios, la voix d’Etta se fait plus vindicative que celle de Jimmy Hugues, l’orgue churchy en toile de fond rend le morceau plus intense. En dehors des deux morceaux d’ouverture, "It Hurts Me So ⌂ lui aussi remporter une grosse mention. Le morceau interroge cependant, enregistré préalablement par BARBARA & The BROWS, on peut se demander pourquoi Cadet n’a pas jugé bon de publier cette tuerie avant qu’Etta James ne la reprenne pour ce même label ?

"The Same Rope", un inusité de Leonard Caston et Lloyd Webber s’annonce plus léger. Cette obscurité fera l’objet d’une bonne reprise via le combo espagnol Rachel Reyes & The Fireballs. Nettement plus dynamique, "My Mother-In-Law" ˟ s’annonce plus humoristique nous contant les savoureux déboires entre une épouse et sa belle-mère. En guise de fermeture, "Just A Little Bit" apporte son surplus de vitaminés avec un soupçon de Funk patiné par des cuivres plein d’allant. Mais la genèse de ce titre reste étrange : inspirée d’un riff de Jimmy McCracklin, ce titre de Rosco Gordon fut proposé en vain à Ralph Bass. Ce dernier le proposera alors à Tiny Topsy qui l’enregistrera pour Federal, filiale de King Records pour laquelle bossait Bass. Au fil des années, cette chanson refusée dans un premier temps sera reprise par une kyrielle d’artistes venus de divers horizons (THEM, ELVIS, Magic SAM, SLADE, Rick DERRINGER).

Terminons par un titre qui s’il n’est selon nous pas le meilleur de l’album vaudra beaucoup pour sa renommée. Etta reprend "Security", titre figurant sur le "Pain In My Heart" d’Otis REDDING alors que le chanteur vient d’être victime d’un accident d’avion en décembre 67, tragédie qui aura secoué la jeunesse américaine et les amateurs de Soul. Si on reste attaché à la version de REDDING secondé par la rythmique de la Stax, l’interprétation d’Etta James demeure un bien beau clin d’œil à l’ancien chauffeur devenu chanteur. On conseillera aux curieux les reprises des SAINTS, groupe australien de Punk Rock, des INMATES en mode Pub Rock ou celles plus classiques d’Irma THOMAS et Mavis STAPLE.

Ne tergiversons pas, en dehors de ses deux hits, ce septième album marque une renaissance inattendue. L’apport de Rick Hall a la production change complètement la donne. Alors qu’Etta se fourvoyait dans un répertoire obsolète rempli d’orchestrations bourratives, "Tell Mama" la remet sur le devant de la scène. S’il fallait recommander un disque de la chanteuse, c’est celui-ci qu’on pointera du doigt. Preuve s’il en est qu’orchestration, arrangement et feeling sont les pierres angulaires de la musique. Publié en janvier 1968, « Tell Mama » a fait l’objet de multiples pressages et apparait en format CD en 1987. Le recueil a fait l’objet d’une réédition CD en 2001 intitulée "Tell Mama – The Complete Muscle Shoals Sessions" avec 10 pistes bonus.


*Titre homonyme à celui de Dan Greer chanté par BARBARA & The BROWNS.
⌂Le titre de Barbara & The Browns a été réédité en 2007 sur la compilation "Can't Find Happiness" (CD Kent 278)
˟Titre homonyme à celui d’Allen Toussaint popularisé par Ernie K-Doe.

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- Etta James (chant)
- Albert Lowe (guitare)
- Jimmy Johnson (guitare)
- David Hood (basse)
- Roger Hawkins (batterie)
- Carl Banks (orgue 1-2-3-4-5-7-8-10-11-12)
- Barry Beckett (orgue 6-9)
- Spooner Oldham (claviers 1-2-3-4-5-7-8-10-11-12)
- Georges Davis (claviers 6-9)
- Marvell Thomas (piano 6-9)
- Floyd Newman (saxophone)
- James Mitchell (saxophone)
- Aaron Varnell (saxophone)
- Gene 'bowlegs' Miller (trompette)
- Charles Chalmers (chœurs)


1. Tell Mama
2. I'd Rather Go Blind
3. Watch Dog
4. Love Of My Man
5. I'm Gonna Take What He's Got
6. The Same Rope
7. Security
8. Steal Away
9. My Mother In Law
10. Don't Lose Your Good Thing
11. It Hurts Me So Much
12. Just A Little Bit



             



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