Il est arrivé dans les salles d’arcade en 1986 et il a fait un carton. Beaucoup s’y étaient cassé les dents avant lui. Outrun reste aujourd’hui le premier jeu-vidéo de l’histoire à avoir donné aux joueurs une véritable sensation de conduite. Ferrari Testarosa décapotable, vent dans les cheveux, palmiers sur le bord des routes et blonde pulpeuse à portée de bras : voilà quelques sensations typiquement 80ies que le jeu était parvenu à réunir. Sensations que l’imagerie de la Synthwave n’a de cesse de vouloir nous rabâcher ces dernières années.

Mais le Outrun de SEGA n’a pas attendu celui de KAVINSKY en 2013 pour être 'copié'. Bien des jeux de voiture ont tenté de l’imiter. Chase HQ de Taito est l’un des rares à l’avoir concurrencé sur son propre terrain. Mais qui se souvient des seconds ? Durant ses premières années, avant de connaître le succès avec sa série Final Fantasy, la société Square, future Squaresoft, était de même décidée à copier tous les succès sur borne d'arcade de son concurrent SEGA.

On peut au moins reconnaître à Rad Racer, tout clone d’Outrun qu’il est, d’avoir cherché à innover. Dans la boîte du jeu était en effet fournie une paire de lunettes bicolore. Par dissociation des couleurs, celles-ci permettaient un rendu en 3D stéréoscopique. Voiture de sport rouge, conduite de nuit et lunettes 3D : voilà une belle brochette de clichés en provenance des années 80. L’innovation s’arrête là, car pour le reste Rad Racer repompe Outrun sans vergogne mais sans la manière. Pour les palmiers, la blonde et surtout les virages, la NES n’était pas en mesure de tout afficher correctement. Faute de Outrun disponible sur la console de Nintendo, Rad Racer connut néanmoins un certain succès. Ce qui lui valut d’être exporté aux Etats-Unis puis en Europe. Contrairement à ce que certains pourraient croire, le premier jeu-vidéo vendu en France où l’on pouvait donc entendre du Nobuo UEMATSU n’était pas Final Fantasy VII.

Le jeune compositeur était cependant encore très vert. Tout comme ses collègues, UEMATSU a beaucoup étudié Outrun. La filiation musicale avec Rad Racer est difficilement perceptible. Ecoutez tout de même la seconde partie de "Ahead on Your Way" sur l’OST de Final Fantasy VII, puis comparez-la à "Passing Breeze" sur Outrun pour voir, UEMATSU a bien fait une partie de ses gammes en écoutant ce qui se produisait chez SEGA. Plus tournées vers le Rock Progressif, la Pop ou le Rock’n Roll, ses principales influences s’éloignent cependant des rythmes plus dansants comme la samba que le modèle arbore. Sur Rad Racer, Nobuo UEMATSU donne un rythme plus linéaire et surtout plus rapide à ses compositions. Tout comme pour Outrun, le choix était donné au joueur de sélectionner un morceau parmi trois. En résulte logiquement une B.O très limitée en durée.

UEMATSU peine encore à s’adapter aux signaux simplistes de la NES, et cela s’entend notamment de par son usage excessif de notes tenues dans les aigus. Ses sonorités assez stridentes, dépourvues d’effets pour le moment (écho ou vibrato), étaient assez peu adaptées à l’oreille humaine. Manami MATSUMAE, la même année et dans un style approchant, s’en était mieux sortie sur Mega Man (cf. "Cut Man"). Nobuo UEMATSU est néanmoins parvenu à composer des boucles dont les cycles durent plus d’une minute ce qui, pour l’époque, restait une exception. Son sens de la mélodie est déjà présent, ce qui le classait dans une catégorie autre que la majorité de ses concurrents. Toutefois, on ne criera pas au génie. Tout comme ses collègues, le jeune compositeur était encore en train de se chercher. Rad Racer est l'un de ses derniers travaux avant le premier Final Fantasy. En 1987 il était donc déjà capable de faire largement mieux.