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Etta JAMES - Etta James (1973)
Par LE KINGBEE le 11 Mars 2022          Consultée 1114 fois

Nous sommes maintenant en 1973. Etta JAMES toujours sous contrat avec Chess enregistre un 11ème opus dont les sessions s’intercalent avec de brefs passages en cure de désintox. Alors que le Président Nixon commence à laisser quelques plumes suite au scandale du Watergate, Roberta FLACK fait un carton avec "Killing Me Softly With This Song". Les TEMPTATIONS placent "Papa Was A Rollin’ Stone" au panthéon de la Soul tandis que PINK FLOYD enregistre "Money" et que DEEP PURPLE va cloper sur l’eau. Au cinéma, le public noir se rue sur les films de Blaxploitation, alors que le magazine Rolling Stone entérine le phénomène Disco suite à un article de Vince Aletti.
Eh oui … une bien belle époque, comme dirait l’autre !

On peut se demander si le label Chess n’est pas en panne d’idée : pourquoi avoir fait de cet album un éponyme* alors qu’il s’agit du 10ème enregistrement studio ? Et n’oublions pas cette pochette noire insipide où se détache le nom de l’artiste. L’arrière n’est pas plus folichon. On y discerne le visage de la chanteuse teinte en brune pour l’occasion. A croire que le label a voulu cacher les effets de la boulimie et les kilos engrangés par la Diva liés à sa dépendance à l’héroïne.

En 1973, tout un parterre de parasites et de profiteurs malsains tourne dans le giron de la chanteuse. L’ambiance est tendue d’autant plus qu’elle vient de se faire pincer au Texas avec un petit sac de poudre. Elle doit encore passer devant le juge pour une histoire de Cadillac volée par Sly STONE. Sa carrière en dents de scie est au plus bas, Etta JAMES bosse même durant un temps comme réceptionniste chez Chess Records. Le pire est à venir: pour subsister et tenter de garder un train de vie fait de pacotille et de poudre aux yeux, Etta JAMES est obligée de se produire dans le circuit des clubs gays ou dans de sordides nightclubs où les jeux sont les véritables atouts.

On est donc en 1973 et personne dans le métier ne croit plus vraiment dans la chanteuse, même Leonard Chess, lassé par ses frasques, n’y croit plus trop. Et pourtant, Etta va nous délivrer un album du tonnerre. Gabriel Mekler, ancien producteur du KOZIK BLUES BAND, de Janis JOPLIN et de STEPPENWOLF, se propose d’épauler la chanteuse. Leonard Chess ne sachant plus à quel saint se vouer accepte la chose avec joie, comme quelqu’un qui se débarrasse d’un fardeau trop lourd à porter. Etta JAMES est plus mitigée. D’un côté, elle est honorée, Mekler étant à l’origine de la reprise par Janis JOPLIN de "Tell Mama" ; d’un autre côté, elle est réticente à collaborer avec cette jeune troupe de blancs tendance hippie.
Mekler réussit la gageure de lui concocter un répertoire solide alliant le R&B d’antan, le Southern Rock et une Soul bien cuivrée avec des plongées dans l’univers de la Blaxploitation. Le jeune producteur réussit à faire cohabiter Trevor Lawrence, saxophoniste arrangeur, ancien membre du Paul BUTTERFIELD BLUES BAND, et Jimmie Haskell un producteur arrangeur multitâche ayant collaboré avec des artistes aussi variés que Rick NELSON, Bobbie GENTRY, le JAMES GANG ou Laura NYRO. Ce mariage improbable s’annonce judicieux, les deux hommes collaborant à merveille. C’est donc une nouvelle équipe qui entoure la Diva, sous l’œil bienveillant de Mekler qui parvient à éteindre les réticences d’Etta, à l’instar d’un prêtre hindouiste adepte de la pyrobatie. C’est ainsi qu’on retrouve le bassiste Chuck Rainey (ex-Roberta FLACK, Aretha FRANKLIN, Yusef Lateef), le percussionniste bahaméen King Errison, ancien sideman pour la Motown, Merry CLAYTON et Marvin GAYE), le guitariste canadien Ken Marco (ex-Grant Smith & The Power, Motherlode), le batteur Kenny Rice alias Spider Webb (ex-Freddie KING, King Curtis, Labelle) et l’organiste William Smith (ex-Motherlode, David Clayton-Thomas).
L’album enregistré en juillet au Sound Factory Studios à Hollywood mérite incontestablement une seconde chance.

La trame de la Blaxploitation s’avère constante tout au long de l’album avec en point d’orgue "All The Way Down". Basse bien ronde, guitare funky, enrobage de cordes rehaussées par les cuivres et un gimmick en droite ligne avec le générique du film "Les Nuits Rouges de Harlem" plus connu sous le nom de "Shaft". Une version intense qui monte crescendo avec une Etta James totalement impliquée. Le titre sera repris par Esther Phillips dans une soupe Disco discutable. A l’écoute de "Only A Fool", on comprend aisément pourquoi certains exploitants et fans donneront ce titre à l’album. Les registres de la Blaxploitation, d’un Funk à la Dyke And The Blazers et d’une Soul entraînante mais sans concession demeurent des atouts de première main.

En dehors de la Blaxploitation et de ses rythmes obsédants, un autre canevas se détache du disque en la personne de Randy NEWMAN. Etta reprend trois chansons du pianiste : "God’s Song" dans une version plus consistante mais tout aussi métaphorique, l’orgue et les chœurs apportant un décor apocalyptique par rapport à la version d’origine.
Seconde visite dans l’univers de Newman avec le torride "Leave Your Hat On" **. Là, la voix se fait plus sexy, plus sarcastique, la guitare plus funky et la basse encore plus ronde pour un titre d’anthologie que massacrera plus tard Joe Cocker dans la B O du film "Nine ½ Weeks" avec Kim Basinger. Troisième et dernier emprunt au Californien avec "Sail Away" ***, une vive critique des mœurs et du quotidien américains. Les arrangements d’Haskell reprennent le concept de la version originale, plaçant le piano de William Smith au premier plan. Une version, selon nous, plus goûteuse que les reprises de Joe Cocker, Bobby Darin ou Gladys Knight.

Une troisième thématique vient se fondre dans l’album avec une coloration liée au Blues et à la Southern Soul. "Yesterday’s Music", une compo de David Clayton Thomas, nous offre une belle carte postale de Southern Soul. Le titre sera repris plus tard par son créateur au sein de BLOOD SWEAT & TEARS. Le trident Catherine Williamson/ Merkler/ Lawrence, auteur de trois chansons, lui apporte "Lay Back Daddy", un titre dans lequel le Funk s’invite et derrière lequel on sent pointer les réminiscences futures du Disco. "Just One More Day", une chanson d’amour d’Otis REDDING, s’annonce comme une supplique dans laquelle la chanteuse met toute sa force de persuasion pour retrouver un mystérieux bienaimé. Terminons avec le titre qui devrait remporter de nombreux suffrages. Etta s’attaque à "Down So Low", compo de Tracy NELSON alors membre de MOTHER EARTH. Chanson crépusculaire entre Southern Gospel et Deep Soul, ce titre est ici magnifié par un chant envoûtant, on se croirait dans une église lors d’un psaume du dimanche midi. Un titre d’une effrayante beauté. Suite à la reprise d’Etta JAMES, Tracy Nelson reprendra son titre dans son premier album solo.

Malgré une pochette peu porteuse et guère affriolante, ce dixième album passé chez nous dans une incroyable indifférence mérite une attention soutenue. Etta JAMES prouvait qu’elle pouvait être à l’aise dans plusieurs registres. Quand le feeling, l’envie et l’enthousiasme sont de la partie, il est difficile de ne pas être admiratif du timbre de cette chanteuse explosive. Cerise sur le gâteau, un choix de titres judicieux, une orchestration et des arrangements de qualité, même les enrobages de violons et de flûtes débouchent sur des plus.
Note réelle 3,5 arrondi à 4.

Cette chronique provient des écoutes du pressage français. Le vinyle a été réédité au format CD par Chess et Hip-O Select.


*Ce disque s’est également vendu sous le titre "Only A Fool".
**Le titre figure aussi dans le film "The Full Monty", interprété par Tom JONES.
***On conseille également la version d’Harry NILSSON.

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- Etta James (chant)
- Ken Marco (guitare)
- Chuck Rainey (basse)
- Kenneth Rice (batterie)
- King Errison (congas, percussions)
- William D. Smith (claviers)
- Trevor Lawrence (saxophone)


1. All The Way Down
2. God's Song
3. Only A Fool
4. Down So Low
5. Leave Your Hat On
6. Sail Away
7. Byesterday's Music
8. Lay Back Daddy
9. Just One More Day



             



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