Seth Putnam est le genre de type dont on peut dire sans problème qu’il a bien vécu dans le sens le plus radical du terme, et plutôt deux fois qu’une puisqu’il est mort deux fois. Et avant la deuxième, qui fut définitive, il y eut la première, et lors de cette fausse première dont il revint comme on revient d’une expérience de mort imminente, il s’exclama devant les blouses blanches toutes prêtes à l’envoyer à la morgue : Death is gayer than life ! ; sentence qui mériterait de figurer dans toute bonne Constitution qui se respecte, soit-dit en passant.

A l’origine, le projet dont je cause présentement était une blague, ou plus exactement un défi entre deux potes relativement musiciens et franchement désireux de ne surtout pas passer pour un groupe ou une association démocrate, donc un truc de lèche-cul. C’est pourquoi lorsque l’un demande à l’autre quel serait le nom le plus irrévérencieux, le plus outrancier pour leur projet commun, Seth Putnam ne put que répondre le plus spontanément du monde : ANAL CUNT.

Comment résumer correctement ce qui se passe sur cette compilation ? Ceux qui apprécient le grindcore en général, et ce groupe-ci en particulier, ne seront pas surpris par le déferlement de titres d’une part et, de l’autre, par la bestialité de ces titres. Cela dit, Ancien Testament oblige, le déferlement de titres et la bestialité de ceux-ci sont poussés à un niveau quasi démentiel – littéralement du surgrindcore, ou alors de la noise pure et simple. Et les vocaux sont bien sûr à l’avenant, alternant dangereusement entre le strident quasi insoutenable et le guttural de sous le sous-sol des égouts de la décomposition finale. Le fameux et succulent Scum de NAPALM DEATH, sorti une année à peine avant les premiers enregistrements ici présents, est presque du hard F.M. en comparaison.
Cela dit, un des aspects caractéristiques d’ANAL CUNT est cruellement absent de cette purulente compilation, je veux parler ici moins des paroles que des fameux et légendaires titres de non moins légendaires et fameuses chansons ("Living Colour Is My Favorite Black Metal Band", "Hitler Was A Sensitive Man", "Don’t Offer Me Weak Drugs Or I’ll Kick Your Fuckin Ass" et j’en passe et d’autrement plus offensifs).
Nous sommes ici réduits à des séries de numéros et de performance live, d’où émerge pourtant un "Boy George" dont l’accord bien lourd et vaseux se retrouve tout au long de ce terrassant voyage.
D’ailleurs, en termes d’accord de base, on reste, avec un autistique bonheur, toujours très proche de riffs légendaires tel celui de la mythique ouverture de "Black Sabbath" par le groupe du même nom sur l’album éponyme. C’est très exactement le même esprit, ou la même politique que NIRVANA (groupe que Seth appréciait grandement et on le comprend, enfin moi surtout) dans le sens où tout doit littéralement aller se faire foutre au nom de ce que le folklore américain compte de plus radicalement punk, donc de plus honnêtement individualiste ; cela dit sous le regard scrupuleux et impitoyable de l’histoire, pardon, de l’Histoire des grands crucifiés au nom d’une certaine idée du rock.
Amen.

Inassimilable, monstrueux, inadmissible, presque complètement abrutissant et exagérément démesuré dans l’ultra-violence. Mais indispensable tout de même, ne serait-ce que pour retrouver ce je-ne-sais-quoi de vent de folie que les Anciens appelaient 'liberté'. Ou, pour le dire autrement mais sans mauvaise provocation aucune, une musique qui rend libre – totalement.

A noter enfin que ce double-album a été compilé par Seth lui-même, très peu de temps avant son décès brutal, le 11 juin de l’an 2011.