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2022 Forever On My Mind

SON HOUSE - Forever On My Mind (2022)
Par LE KINGBEE le 27 Avril 2022          Consultée 728 fois

Figure tutélaire du Delta Blues, Son HOUSE a laissé une forte empreinte, malgré une interruption de carrière de plus de deux décennies. La sortie de cette séance inédite captée le 23 novembre 1964, probablement la première après sa redécouverte en juin par de jeunes collectionneurs de disques, nous donne l’occasion de revenir sur sa vie.

Edward James Son House Jr voit le jour en 1902 à Lyon, un hameau situé à un jet de pierre de Clarksdale. Son débute en chantant dans la paroisse locale. Suite au divorce de ses parents, il suit sa mère en Louisiane. Après avoir rejoint pendant quelques mois son paternel, un prêcheur poivrot joueur de tuba à ses heures perdues, il rejoint sa mère à la Nouvelle Orléans, où il donne ses premiers sermons. C’est que dans la famille on ne mélange pas la musique du Diable avec celle du Seigneur.
Marié à 19 ans, il devient pasteur et ne se met à la guitare qu’en 1928 au contact de Willie Wilson, un obscur bluesman de Clarksdale. Ce dernier l’initie au bottleneck et le mississippien parvient à se produire dans les juke joints miteux de la région se forgeant vite une solide réputation. En 1928, Son House abat un homme qui s’en prenait à l’un de ses amis ; le guitariste est condamné à une peine de cinq ans au pénitencier de Parchman Farm, endroit d’où il sort au bout de deux ans après avoir plaidé la légitime défense. Etabli à Lula, Son House se lie d’amitié avec Charley Patton qui le recommande à Arthur Laibly, l’un des grands patrons de Paramount Records.
En aout 1930, Son House enregistre à Grafton (Wisconsin) ses premières faces pour Paramount. Les 78 tours ne se vendent pas mais permettent lui permettent de sillonner le Delta, le plus souvent en compagnie de son pote Willie Brown. Etabli à Robinsonville, House rencontre brièvement Robert Johnson, se remarie cette fois avec Evie Goff et devient conducteur de tracteur le jour, se produisant le soir venu dans tout le Delta. C’est à cette époque qu’il donnera quelques leçons à Muddy WATERS.

Les aléas de la vie sont parfois curieux. En 1941, l’ethnomusicologue et chercheur Alan Lomax, de la Bibliothèque du Congrès et John Wesley Work III de la Fisk University viennent enregistrer Muddy WATERS à la plantation Stovall. Ce dernier leur apprend qu’il connait "Walkin’ Blues" grâce à Son House. Lomax retrouve Son House en septembre sur la Plantation Lambert et décide de l’enregistrer. A cette époque, Son se produit avec Willie Brown, le mandoliniste Fiddlin’ Joe Martin et l’harmoniciste Leroy Williams, formule retenue pour une première session de sept titres captés à Clack, à une encablure de Tunica.
Le 17 juillet 42, Lomax revient à Robinsonville où il enregistre le guitariste en solo pour une session de douze titres dont deux sermons blues en deux parties qui ne relanceront pas sa carrière. S’ensuit une longue éclipse de plus de vingt ans. En 1943, Son House, gagné jusqu’alors par le syndrome de la bougeotte s’établit pour de bon à Rochester dans l’état de New York. Le guitariste va d’abord travailler dans une usine de blindage et intégrer la New York Central, société des chemins de fer locaux. En 1952, sa seconde épouse et son vieux pote Willie Brown le rejoignent mais ne s’adaptant pas à la vie de la mégapole, Brown repart en fin d’année à Tunica où il décède d’une crise cardiaque. En 1955, c’est encore dans la rubrique des faits divers que le nom de Son House apparait. Victime d’un cambriolage en octobre, il tue son agresseur d’un coup de couteau. Son avocat ayant plaidé la légitime défense avec succès, il ne passera que neuf jours au Cutchore Labor Camp, un camp de travail insalubre. Après avoir quitté les chemins de fer, Son House va accumuler tout un tas de boulots : plongeur, homme à tout faire dans un cabinet de vétérinaires, cuisinier, une longue traversée du désert.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, sauf qu’en juin 1963 Dick Waterman, Nick Perls et Philip Spiro, trois jeunes collectionneurs de disques et amateurs de Blues, retrouvent sa trace à Rochester. Le sexagénaire, victime de son alcoolisme vit en semi-reclus, ignorant que ces anciens disques sont adulés par de jeunes blancs férus de Blues. Sous la houlette de Waterman, Son House va reprendre sa vie d’antan. N’ayant pas joué pendant presque vingt ans, Alan Wilson (futur membre de CANNED HEAT) remet en selle le vieux grigou qui n’en croit pas ses yeux. Au fil des mois, Son House va rentrer de plein fouet dans la brèche ouverte par le Folk Blues Revival. L’homme du Delta triomphe à Newport, traverse l’Atlantique pour donner une prestation à Paris lors de l’American Folk Blues Festival 67. En 1965, Son House retrouvait le chemin des studios enregistrant pour la Columbia "Father Of Folk Blues" produit par John Hammond. Un second album "John The Revelator" capté dans un club londonien sera édité par Liberty Records. Ce feu de paille sera suivi par plusieurs productions mais au début des années 70, miné par une vie dure et son addiction au whisky, Son House réalise ses derniers enregistrements. S’il se produit une dernière fois à Toronto en 1974, Son House, devenu épileptique, quitte Rochester en 1976 sous l’aile d’Evie pour gagner Detroit où il s’éteint en 1988 à 86 ans.

Lors d’une récente interview, Dick Waterman déclarait qu’il avait en réserve tout un stock d’enregistrements similaires. Le manager photographe ne s’est pas contenté d’accompagner Son House, Skip JAMES, Mississippi John Hurt, Bukka White ou Arthur "Big Boy" CRUDUP, il aura également veillé sur leurs intérêts, chose rare dans un monde de requins, et peut se targuer d’avoir été leur ami.

"Forever On My Mind" est constitué de huit titres issus d’un show se déroulant dans un collège de Crawfordsville dans l’Indiana. Mixé par Dan Auerbach (membre des Black Keys), déjà collaborateur auprès de Jimmy Duck HOLMES, Leo Bud WELSH ou Robert Finley, c’est du Delta Blues brut de décoffrage auquel on a affaire ici. Enregistré en petit comité, devant peut-être une cinquantaine de personnes, on entend presque une mouche voler. Dès le titre d’ouverture, on entend les doigts claquer sur les cordes de la Resonator National. Quand on tend bien l’oreille on entend les raclements de gorge du vétéran, ses claquements de langues et parfois ses mouvements de jambes et ses pieds qui battent la mesure. Au niveau du répertoire, Son House reprend deux titres issus des enregistrements d’Alan Lomax ("Pony Blues" et "Levve Camp Moan"). Distillé à la manière d’un sermon, « Preachin’ Blues » permet à une poignée de spectateurs de rire, se foutent-ils de la gueule du vieux bluesman ? Les paroles prennent une tournure beaucoup plus noire sur "Death Letter", qui nous conte la tristesse suite à la maladie et au décès d’une bienaimée fictive.
C’est bien connu, les bluesmen sont des petits malins qui se repiquent des chansons les uns aux autres sous d’autres titres. C’est ainsi que "The Way Mother Did" évoque fortement le Gospel "Mother’s Children Have A Hard Time" de Blind Willie JOHNSON. Rien de bien étonnant, Johnson étant un prédicateur passionné, adepte du knife sound * et pionnier du Holy Blues. Une version qui relègue à des années lumières celles de CLAPTON et Joe BONAMASSA. Bien sûr, on ressent quelques petites imperfections comme des paroles hésitantes ou répétées, il reprend par trois fois sur trois pistes différentes : "Midnight seem like hours, hours seems like day", mais tous ces petits défauts sont absorbés par l’authenticité, la sincérité et la passion du bonhomme. Il n’oublie pas de rendre hommage à son vieil ami Charley Patton en reprenant "Pony Blues".

Sorti en vinyle et en CD, cette étonnante production s’inscrit parfaitement dans le catalogue du label Easy Eye Sound fondé en 2017 par Dan Auerbach, dont plusieurs productions ont été nominées aux Grammy dans un passé récent. Si vous n’aimez ni le Delta Blues ni les one man show bien roots, passez votre chemin, mais cette production se révèle comme un excellent document sonore d’une époque aujourd’hui révolue.



*Le knife sound ou knife style s’apparente à la sonorité du bootleneck, la différence consiste dans l’utilisation d’un canif tandis que l’autre procédé nécessite un goulot de bouteille ou un tube en alu, matériel plus contemporain.

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   LE KINGBEE

 
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- Son House (chant, guitare)


1. Forever On My Mind
2. Preachin' Blues
3. Empire State Express
4. Death Letter
5. The Way Mother Did
6. Louise Mcghee
7. Pony Blues
8. Levee Camp Moan



             



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