Je dois bien en toute honnêteté vous avouer une chose. Lorsque j'ai entamé l'écoute de ce concert capté au Stadium Groupama de Lyon le 25 juin 2022, j'ai essayé d'être dans de bonnes dispositions. Je me suis dit que pour une fois, je devais mettre de côté toutes les raisons qui font que depuis Paradize, l'entreprise très lucrative de Sirkis me laisse perplexe pour être poli. Les contradictions qui irriguent l’œuvre indochinoise depuis plus de deux décennies sont tellement légions que l'on pourrait rapidement passer pour un petit mesquin si on les évoquait. J'aurais pu donc rappeler entre autres le ridicule du récent duo partagé avec MOBY traitant d'une part de la défense de la planète et d'autre part, appuyer sur la quantité de matériel utilisé lors de cette tournée des stades. J'aurais pu évoquer aussi le côté Jean MOULIN du pauvre du leader totalement désespérant qui refuse de jouer dans une ville parce que les idées de l'édile ne correspondent pas aux siennes. Il y aurait tant de choses à dire.

Être donc dans de bonnes dispositions et se concentrer uniquement sur ces moments de joie qui viennent souligner les quarante ans d'INDOCHINE. Les fans ont été patients pour ces retrouvailles. Entre l'annonce en mai 2020 de ces concerts anniversaire et ces prestations, deux ans se sont écoulés, COVID oblige. Est-ce que cette attente en valait la peine ? En découvrant cette setlist, objectivement oui ! Elle embrasse effectivement toute l'histoire du groupe et laisse espérer de (très) belles choses. Sur le papier du moins car si on s'intéresse quelque peu à l'histoire de ce projet, on sait que les choses ne sont jamais vraiment simples. Anniversaire ne veut pas dire apaisement. Il fallait s'y attendre, mais Dominik Nicolas, le talentueux compositeur de la période la plus attractive d'INDOCHINE est absent. On aura droit en lot de consolation sur "Dizzidence Politik" comme membre original à Dimitri Bodianski et son saxo et par procuration à Lou la fille de Stéphane le si attachant frère de Nicola.

La vie est belle comme le dit Nico alors soyons positifs. Premier bon point et non des moindres, la présence de titres rarement joués. Je l'admets, entendre les superbes "7000 Danses" et "La Chevauchée Des Champs De Blé" fait son petit effet. Depuis le temps que ceci était attendu ! Il faut noter que pour une fois, Sirkis n'a pas dénaturé la grâce initiale de ces morceaux subtils. Nostalgiques, ils drapent le stadium d'émouvants souvenirs. Le côté bourrin et caricaturalement rock semble heureusement abandonné. Le groupe rend enfin justice à cette décennie tant décriée. C'est un plaisir que d'entendre "Le Baiser" si rare et ce même si le clin d’œil au "Heroes" de BOWIE est maladroit. Je retrouve ici l'essence même d'INDO. Une pop simple, efficace et gorgée d'émotions à l'image du superbement classique "Punishment Park". Sirkis a baissé les amplis et ceci permet ainsi par exemple au toujours très émouvant "Tes Yeux Noirs" de serrer tout en douceur la gorge.

Un concert d'INDOCHINE, c'est sacrément interactif. A l'image du toujours horripilant "Canary Bay" ouh ouh ou du cartoonesque "Miss Paramount", le public en pleine extase permet parfois à Sirkis, christique, à l'image de la pochette, de reprendre son souffle car il est un peu court ("Trois Nuits Par Semaine"). Il faudra également accepter les "putain de public, ça va là haut, etc, etc" en veux-tu en voilà du leader toujours un peu irritants. Ceci n'enlève rien pourtant globalement au plaisir pris à la découverte de ce nouveau filtre utilisé: celui de la limpidité. Les morceaux que le groupe délivrait dans une approche rock lourdingue passent nettement mieux même s'il faut à certains moments comme tendre l'oreille. Ainsi, les sombres "Marilyn" et "Little Dolls" ou les toujours très bons "Alice et June" et "Un Été Français" et son fameux "Froid National" perdent en puissance artificielle ce qu'ils gagnent en efficacité naturelle.

Pour fêter son histoire chaotique, INDOCHINE s'est également fendu durant cette tournée de quelques moments assez surprenants. Si le côté pile électrique totalement fondue de CHRISTINE AND THE QUEENS en duo avec Nico sur l'intemporel et nécessaire "3SEX" fonctionne bien, je serai nettement plus sceptiques pour les versions de "La Vie Est Belle" et "J'ai Demandé A La Lune" accompagnées par la Garde Républicaine. J'ai malgré moi instantanément l'image d'un obscure groupe de black metal moldave qui pour s'acheter une crédibilité artistique joue ses morceaux avec l'orchestre symphonique de sa capitale. C'est vain et en terme émotionnel, ceci n'apporte rien si ce n'est sans doute une forme d'autosatisfaction. Un peu comme le talentueux chanteur lyrique Philippe JAROUSSKY qui s'est mis dans une terrible galère en partageant vocalement "College Boy" avec Sirkis. Le temps est totalement suspendu, mais sûrement pas pour les bonnes raisons.

Je ne vais toutefois pas faire ma mauvaise tête. Si je fais abstraction de toutes les choses qui m'ont éloignées petit à petit de ce groupe que j'aime tant (1981-1999), Central Tour présente objectivement un INDOCHINE percutant, plus subtile qu'auparavant, pas vraiment avare en titres et en émotions. Ce live ne fera sans doute pas revenir au bercail ceux qui sont devenus Sirkis non-compatibles, mais il dit aussi pourquoi ce projet demeure dans l'hexagone unique.