AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

L’époque des gialli est révolue, mais ils ont toujours leurs amateurs quand bien même nombre d’entre eux relèvent - au mieux - de la série B. Lo Squartatore di New York (ou 'l’Eventreur de New York' en version française) n’y échappe pas ; il n’est, il est vrai, pas le meilleur film de Lucio FULCI, mais il n’est pas non plus le plus indigent car le réalisateur italien a fait bien pire, surtout vers la fin de sa carrière. FULCI a en effet alterné le meilleur de l’horreur et du giallo (L’Au-delà, Frayeurs, La longue nuit de l’exorcisme), le très correct (La maison près du cimetière, L’Enfer des Zombies, La malédiction du Pharaon, L’emmurée vivante, Croc Blanc - pour n’en citer que quelques-uns) et un nombre non négligeable de nanars (Le chat noir, Aenigma…).

Les tueurs détraqués et sadiques des gialli font presque toujours face au même problème : leur enfance. Une fois le puzzle reconstitué, se dessine généralement le portrait d’un enfant qui a connu un sévère traumatisme psychologique. Côté scénario, on ne se casse donc pas trop la tête : l’enfance a bon dos et l’énigme se résout presque toujours par une révélation où le tueur fait face à lui-même et à son passé, après avoir, bien entendu, enchaîné les meurtres sanglants à l’arme blanche : l’arme blanche est une arme de proximité, de contact ; le spectateur-voyeur est donc au premier plan pour jouir de la souffrance de la victime et de son agonie sanguinolente.

C’est en effet là tout l’intérêt du giallo : placer le spectateur aux premières loges des meurtres et jouer sur son désir de voyeurisme pervers et sa fascination pour la nudité et le sadisme dans son sens le plus psychologique, à savoir une forme de perversion sexuelle dans laquelle le plaisir ne peut être obtenu que par la souffrance infligée à l'objet du désir.

Lo Squartatore di New York, avec son tueur à la voix de canard ridicule, joue à fond les codes du genre. L’explication psychologique révélée lors du 'grand finale' est tirée par les cheveux mais, au fond, est-elle si importante que cela ? Certes, le mobile est peu crédible, mais les meurtres ne valent-ils pas le détour ? Ce n’est pas le scénario le plus intéressant, nous dira-t-on, mais bien la mise en scène des meurtres.

Quoi qu’il en soit, si le film est bancal, la B.O, quant à elle, est franchement réussie. Le compositeur Francesco DE MASI, auteur d’une liste longue comme le bras de B.O de films de série B (à titre d’exemple le fameux Fuga Dal Bronx) réalise là une de ses meilleures œuvres.

Comme souvent, c’est le thème musical qui introduit l’album. "New York... One More Day" déploie un thème dynamique, soutenu par un ostinato, et qui joue sur une alternance cuivres/guitare retranscrivant bien l’effervescence de la vie urbaine et des rues de la mégapole ; la musique colle parfaitement aux images. C’est mélodiquement riche, entêtant, travaillé, et même le solo de guitare fait son petit effet. C’est vraiment du haut niveau pour un film de niche à petit budget. Quand on entend des B.O à la musique passe-partout, composées par des grands noms, dont on ne retient généralement rien, on est conscient qu’on a affaire là à du travail vraiment convaincant. La musique va porter le film à un niveau qu’il n’aurait pas eu sans elle.

Le thème se voit ensuite décliné à plusieurs reprises, comme sur "Phone Call" introduit par une boucle inquiétante de deux notes ; une autre technique pour porter la tension sera utilisée, celle de l’écho, du saxophone dans le cas présent, alors que des notes de piano tombent sinistrement comme des gouttes d’eau, une technique que l’on retrouvera souvent dans la B.O - ou celles d’autres films de FULCI (alors que l’on a affaire à des compositeurs différents) ; ces notes qui tombent correspondent vraiment à une marque sonore chez le réalisateur italien ("The Ripper", "Where is the Ripper ?").

"New York … One Night" est un des titres les plus jazzy avec ses successions de soli enjoués à la trompette, au saxophone et à la guitare ; l’orchestre se fait même latin jazz sur "Puertorico Club" où le saxophone mène la danse.

La reprise du thème à la trompette, particulièrement sensuelle sur "New York … One More Day" en fin de face A, est de toute beauté. Chaque phrase de la trompette se termine par un léger vibrato et le saxophone lui répond dans l’écho ; avant que le piano vienne sonner la fin de partie pour nous rappeler que le danger rôde toujours. Le mélancolique "Fay" fait également partie des titres joués à la trompette et qui font honneur à la tradition italienne de la musique de films, souvent portée sur le travail mélodique, et le compositeur semble se permettre un petit clin d’œil aux westerns spaghetti avec l’intervention de l’harmonica. On retrouvera la trompette noyée dans la réverbération et l’écho lors du final "Waiting For the Killer", aux ambiances typiques de film noir.

Lo Squartatore di New York est une belle B.O, à la fois jazzy, funky, orchestrale, sensuelle et angoissante. Elle dépasse largement en qualité le film qui lui sert de support. Francesco DE MASI signe là une de ses B.O les plus réussies, si ce n’est la plus réussie. Bien évidemment, ce type d’œuvre a vocation à rester confidentiel, on saluera d’autant plus sa réédition par le label Death Waltz Recording Company malgré une pochette hideuse et différente de l’originale.