Il y a une certaine ironie dans la démarche. Au coeur de la Bible Belt américaine, Hannah ALDRIDGE le confesse bien volontiers : son comportement et ses actes de jeunesse ne font pas vraiment d'elle une sainte, loin de là. Pourtant, à l'arrivée de l'hiver 2021, la chanteuse propose sa version personnelle d'un chant de Noël très populaire aux Etats-Unis et dans les pays anglo-saxons : "O Come, O Come, Emmanuel". Lorsqu'on se rappelle qu'Emmanuel désigne le Christ adolescent et signifie, en Hébreu, Dieu est avec nous, la démarche intrigue autant qu'elle surprend.

S'il y a certainement un certain cynisme, voire de l'ironie, dans cette manifestation artistique, l'enregistrement de cette reprise s'est effectué de manière on ne peut plus sérieuse : Hannah ALRDRIDGE s'est enfermée en studio, en compagnie de son père (...qui êtes au cieux, que ton nom soit sanctifié...), et a pris le temps d'adapter le chant pour en faire un morceau country-folk lent et solennel, qui absorbe l'ombre autant qu'il fait rejaillir la lumière.

Sur un fond acoustique, quelques chœurs fantomatiques introduisent un premier couplet assez froid et clinique, à l'exception du chant de la jeune artiste, beau comme un souffle de vie. A mesure de sa progression, le morceau se voit agrémenté de nouveaux éléments, notamment une guitare électrique discrète mais porteuse d'une tristesse incommensurable qui tranche avec le texte et le propos général (Rejoice, Rejoice! Emmanuel will be born for you, O Israel). Les guitares prennent de l'ampleur et se mêlent aux arrangements plus prononcés, pour venir enrober les mélodies douces-amères de ce chant qui soudain, n'a plus rien d'une célébration. Sur la deuxième moitié du morceau, un solo de guitare acoustique et quelques lignes de chant plus audacieuses apportent une touche résolument folk-rock au morceau, lui conférant également une épaisseur et une saveur supplémentaires.

Curiosité dans le répertoire de Hannah ALDRDIGE, cette reprise d'un chant de Noël transformé pour l'occasion en titre folk désespéré, tourmenté et obsédant, permet de découvrir une facette inédite de l'artiste, qui semble ici à la fois apaisée et désabusée. Cette interprétation unique nous permet de mieux prendre la mesure, dans sa globalité, de la personnalité d'une chanteuse qui ne chante pas Noël pour le célébrer.

3,5/5