Si, comme moi, vous portez en haute estime le réalisateur américain John CARPENTER, et si, de plus, vous considérez son The Thing (1982) comme un des meilleurs films d'horreur et de fantastique jamais réalisés, il y a alors de grandes chances que vous soyez intéressés par cette revisitation du thème originellement composé par Ennio Morricone.

Car c'est bien le compositeur italien qui s'est chargé de la BO du film, même si tout le monde a tendance à penser que c'est Carpenter lui-même qui, comme à l'accoutumée, s'est attelé à la bande-son * ; en effet, Morricone a composé le 'main theme' à la façon de Carpenter, avec juste quelques notes et suite d'accords répétées qui font parfaitement mouche pour instaurer un climat de tension vraiment saisissant. Tous ceux qui ont vu (et revu) ce chef-d'œuvre cinématographique, pourtant mal accueilli à sa sortie - sans doute à cause d'une fin prenant le spectateur 'moyen' à contre-pied de ce qu'il attendait - ont gardé en mémoire ces quelques notes et accords désormais associés à ce décor de vastes étendues glaciales ; en cela, Morricone a su parfaitement capter la 'Carpenter's touch' dont la plus connue est issue de son Halloween.

Cette nouvelle réinterprétation est l'œuvre d'un compositeur et producteur de musique électronique anglais dont l'alias est State Azure, spécialisé dans l'ambient. Il allonge le passage d'origine d'environ trois à treize minutes. Mais là n'est pas l'essentiel. Car le film est connu pour la tension qu'il instaure, aussi palpable que si le spectateur se trouvait dans cette station polaire complètement isolée. A ce titre, le film est un parfait huis clos dont le paroxysme de la tension est atteint lors de cette scène de prise de sang, réalisée sous la menace d'un lance-flamme afin de vraiment savoir qui est qui (notez que cette scène se passe dans un film sorti en 1982 alors que l'épidémie de Sida a débuté au même moment.)

Ce qui fait toute la force de la BO de Morricone c'est donc d'arriver à traduire parfaitement cette tension paranoïaque incroyable, où chacun des membres de la station voit en l'autre un possible 'faux', une possible 'imitation' derrière laquelle se dissimule la Chose ("Nobody, nobody trusts anybody now"). Cette réinterprétation, qui bénéficie d'une qualité audio nettement supérieure à l'originale, conserve cette tension paranoïaque à laquelle se mêle toujours une humeur sinistre. Mais State Azure y ajoute des éléments qui vont renforcer l'immersion, comme ce vent glacial et des extraits de conversations issues du film, conservations qui portent notamment sur les chiens de la station. D'ailleurs, observez bien la pochette et son chien... Et les vagues de drone renforcent et donnent de la chair aux textures sonores.

Carpenter n'en finit plus d'inspirer le monde musical. Par sa musique. Et quand ce n'est pas par sa musique proprement dite, ses films eux-mêmes nourrissent les compositeurs pour mettre en images son univers paranoïaque, d'anticipation et fantastique. Cette revisitation par State Azure est un bon hommage à ce réalisateur qui n'a pas la reconnaissance qu'il mériterait. Elle est, de plus, disponible en téléchargement gratuit sur son Bandcamp (après, un don n'est pas interdit non plus).

* certaines parties du score (celles où est présente l'électronique) restent incertaines quant à leurs auteurs, Morricone et Carpenter n'ayant visiblement pas les mêmes souvenirs de qui a fait quoi...