Beginning est l’œuvre de l’obscur combo SELMI’S. Dès son arrivée en France en 1968, John Selmi intègre divers orchestres et fait la tournée des cafés concerts pour financer ses études. À l’origine joueur de aoud, John Selmi se met à la guitare et finit en 1972 par monter son propre groupe, avec sa compagne Nanou Soumagnas à la basse et un certain Thierry Audebert à la batterie, rencontré au détour d’une jam session. En 1974, un ami ingénieur du son les fait enregistrer chez lui en trois jours. L’album fut publié en 500 exemplaires par le label Fidsound. SELMI’s tournera en France pendant quatre ans encore, en subissant des changements de personnel, mais n’aura pas l’occasion d’enregistrer à nouveau. C’est finalement en 1982 que sort un ultime disque autoproduit, Union, qui est quasiment un album solo de John Selmi*.

Les arcanes du cratedigging sont impénétrables. Les passionnés de vinyles de collection mettent parfois au jour des pépites oubliés, mais aussi des disques à l’intérêt discutable. Et, allons savoir pourquoi, les collectionneurs s’entichent parfois de disques médiocres qui atteignent des cotes tout à fait disproportionnées. Ainsi donc, selon les exégètes, Beginning serait un bijou caché, un mélange d’influences totalement innovateur et original (sic), mâtiné de couleurs moyen-orientales et de plans à la Jimi HENDRIX, dixit de nombreux sites de vente spécialisés qui s’empressent de répéter les même louanges comme des perroquets. Ce disque improbable fut finalement réédité en vinyle en 2017 par Cameleon Records. Étant moi-même atteint de collectionnite chronique, je ne vois a priori aucune objection à cette louable entreprise d’archéologie musicale.

On lance l’écoute du disque, et c’est là que ça se gâte. Un pressage d’époque est parfois coté à plus de 300 dollars, mais proportionnellement à la qualité intrinsèque de la chose, il faudrait diviser ce prix par 30, au bas mot. La musique de SELMI’S consiste en un rock aux vagues atours psychédéliques mais finalement plutôt banal. Le son d’ensemble est totalement quelconque et sans aucun relief, fait maison mais dans le mauvais sens. Surtout, la formation est franchement bancale. Beginning est un vrai travail d’amateurs. Le jeu de guitare de John Selmi est intéressant, évidemment influencé par son expérience au aoud, mais ses soli sont hasardeux, mal assurés, parfois en décalage avec l’harmonie de la basse. Mais ce n’est pas pire que le chant passablement catastrophique, John Selmi baragouinant des paroles creuses et stéréotypées – il n’y a qu’à lire la tracklist bourrée de fautes de langue. La basse est statique et maladroite, le manque d’expérience de Nanou (c’est John Selmi lui-même qui lui a appris les rudiments de la basse) se ressent cruellement. Nanou est encore plus mauvaise choriste que bassiste, son chant est faible, faux, sans conviction et se fait tristement remarquer sur "Burning Sire" ou "Happy Queen". Quant à la batterie, elle est globalement acceptable, mais Thierry Audebert révèle parfois clairement ses limites, comme au début de "Hear My Train" et son accelerando totalement raté.

"Burning Sire" est un beau (façon de parler) condensé de cette entreprise: il faut tendre l’oreille pour déchiffrer les paroles, la batterie est parfois irrégulière, la structure se délite totalement sur la fin. "First Flight Of Eagle" peine à décoller (hahaha) avant de se manger le mur en pleine gueule (hahaha); la seconde moitié de ce morceau n’a aucune cohérence harmonique. Globalement redondant et techniquement très faible, Beginning se fait vite oublier après écoutes. On sent le trio qui se donne à la hauteur de ses moyens, on comprend le délire bon enfant de faire comme les grands, mais le résultat est tout simplement médiocre. Et pourtant, au fil des réécoutes, Beginning s’avère attendrissant dans sa naïveté olympique. On a envie de faire fi de tous les défauts de cet album et de se laisser entraîner pour saluer le sincère effort des trois zicos.

M’enfin bref, il n’y a pas écrit "chibi Sylveon for Valentine Day" sur mon front, et les albums culte bidon ça va bien deux minutes. 1 ½ sur 5, raboté à 1 pour marquer le coup.

*Source: https://www.45vinylvidivici.net/ajout/RAJOUT/CAMELEONRECORDS/CAMELEONselmis.htm