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ZYDECO BLACK CAJUN  |  STUDIO

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2006 Goin' Down To Louisiana

CEDRIC WATSON/COREY LEDET - Goin' Down To Louisiana (2006)
Par LE KINGBEE le 23 Août 2023          Consultée 423 fois

Six ans après le nouveau millénaire, la situation du Zydeco n’a jamais semblé au plus bas. La plupart des grands maîtres perpétuant la tradition, souvent contre vent et marée, ont disparu au fil des ans. Entre le décès en 1987 de Clifton CHENIER, considéré comme le roi du Zydeco, ceux de John Delafose (1994), Rockin’ Sidney (1998), Beau JOCQUES (1999), Boozoo CHAVIS (2001), le Zydeco traditionnel était sur le point de tomber en disgrâce, rejoignant ainsi le sceptre des genres en voie de disparition. Certes, Nathan WILLIAMS, Geno DELAFOSSE, Roy CARRIER ou Zydeco Joe faisaient bien de la résistance avec parfois des tournées européennes.

Autre domaine lié à la musique du Sud, le Cajun ne montrait hélas pas une meilleure forme. La politique d’américanisation de l’Acadiana, le lancement du New Deal concocté par le Président Roosevelt privilégiant l’exploitation de nouveaux puits de pétrole ne sont pas étrangères à cette désaffection. Si de nombreux cajuns quittèrent la Louisiane pour travailler dans les raffineries du voisin texan, un afflux de travailleurs anglophones venus principalement de l’Arkansas, de Géorgie et du Mississippi contribua à changer la donne, à commencer par l’abandon progressif du langage cajun mais aussi de la musique locale concentrée sur la formule accordéon-violon. A l’image de son alter ego créole, le registre cajun souffrait de la disparition de ses meilleurs porte-drapeaux : Iry Lejeune, Sidney Brown, Lawrence Walker, Nathan ABSHIRE ou Dewey Balfa.
Dans ce marasme ambiant, une jeune garde tenta de prendre la relève avec plus ou moins de réussite (Bruce Daigrepont, Steve Riley & The Mamou Playboys, Wayne Toups), se contentant bien souvent de succès locaux.

Un troisième chaînon avait tenté lui aussi de perdurer en vain, le Black Cajun Créole, registre au bord du gouffre suite au décès du violoniste Canray FONTENOT.

Il faut parfois de curieux concours de circonstances pour que la donne s’inverse. Si une douzaine de formations dédiées au Zydeco maintient encore le registre hors de l’eau avec en point d’orgue quelques tournées en Europe et au Japon, un net regain pointe le bout de son nez avec la création du label Valcour Records fondé en 2006 par Joel Savoy.
Alors qu’un nouveau courant appelé tout simplement New Zydeco était en passe de prendre les commandes du Zydeco, un jeune duo reprenant les recettes des anciens duos d’avant-guerre, à l’image du tandem Amedee Ardoin/Dennis McGee, des Duralde Playboys ou des Lawtell Playboys des frères Carriere, allait remettre le Zydeco d’antan au goût du jour.

Originaire de San Felipe, un village à 200 bornes d’Austin (Texas), Cedric WATSON se forge très rapidement une solide réputation à l’accordéon et au violon. Mais c’est à Lafayette que le musicien obtient ses premières lettres de noblesse, jouant avec les principales gloires de la ville. Ancré dans un répertoire old school, Cedric est également capable de chanter en cajun, n’hésitant jamais à employer de longs couplets en old french. Corey LEDET, second membre de cette doublette imparable, est quant à lui originaire de Houston.
L’accordéoniste dispose de gènes bien parlants : un arrière-grand-père officiait comme contrebassiste pour Bunk Johnson, son grand-père Buchanan Ledet a joué comme batteur auprès de Clifton CHENIER et Rockin’ Dopsie, tandis que deux de ses cousins ont accompagné B.B. KING et Bobby BLAND. Accordéoniste prodige, Corey jouait à dix ans au sein des Zydeco Rascals de Wilbert Thibodeaux.

Si la pochette en noir et blanc peut évoquer une illustration des années 50, le disque enregistré et produit par Joel Savoy, également excellent facteur d’accordéon, apporte un vrai vent de fraîcheur. Si c’est le violon qui entame les premières mesures, l’assemblage accordéon-violon fait des étincelles dès le titre d’ouverture qui donne accessoirement son nom à l’album. On se retrouve pris dans un tourbillon pour une pépite de Rockin’ Zydeco, la Louisiane récoltant au final le premier rôle.
Superbement secondé par le batteur Jermaine Prejean (futur Roddie Romero, Marcia Ball) le bassiste Dion Pierre (ex-Captain Bill & The Funkatrons, Dwayne Dopsie) et le guitariste Chas Justus (ex-Ann Savoy, Red Stick Ramblers, The Revelers), la jeune doublette reprend à sa sauce des morceaux issus de la vieille école.

John Delafosse a les honneurs de deux covers avec "Broken Heart" *, titre chargé d’ambiguïté entre two step moderato et valse lente. Si cette curiosité tomba dans la besace de Zydeco Force, de Miss Ann Goodley et de Lil’ Nathan, ici l’accent est volontairement mis sur une sonorité rurale rappelant le répertoire louisianais d’après-guerre. L’accordéon à boutons et le frottoir nous expédient avec bonheur dans l’ambiance des pique-niques d’antan, au chœur de la musique la la. Dernier emprunt avec "Richard Two Step", un two step qui débute sur une quadrille Hillbilly pour se terminer par une farandole cajun.

Clifton CHENIER, grand maître du Zydeco qui a involontairement longtemps caché une forêt luxuriante, n’est pas oublié, Watson et son acolyte reprenant quatre de ses chansons. "Ma Negresse" se déguste comme une excellente valse lente, le violon juste accompagné d’un battement de pied en guise de métronome nous projette dans un décor old time digne d’Amédée Ardoin. Sur "Black Snake" **, l’influence bluesy du jeu d’accordéon de Clifton Chenier déteint nettement sur Corey Ledet. Mais le mariage entre le violon et l’accordéon fait encore merveille et rappelle des temps révolus, l’association des deux instruments ayant tendance à disparaître peu à peu. "Mama Told Papa" diffuse une petite tuerie de Zydeco Blues en droite ligne avec l’original et la version de ZYDECO FLAMES. Un titre dansant, hypnotique et hyper groovy. Dernier clin d’œil au natif d’Opelousas avec le poignant "Hungry Man Blues", un pur Zydeco Blues dans lequel les deux virtuoses se livrent un duel digne des meilleurs scénarios du style question/réponse.

Les reprises des titres issus de l’old time restent des atouts de première main. Le violon brille de mille feux sur l’humoristique "Madame Faielle", un two step des Carriere Brothers en mode Black Cajun. Autre bonne pioche avec "Valse de Cherokee", une valse des Lawtell Playboys (alias Carriere Brothers). Le duo restitue parfaitement l’ambiance des fais do do d’antan. Un titre encore plus rural que les versions de Shirley Bergeron ou Belton Richard. A mi-chemin du quadrille et du square dance cajun, l’instrumental "Canray’s One Step" se propose comme un petit interlude de 90 secondes et clin d’œil à Canray FONTENOT.

Deux classiques de la musique populaire américaine viennent fleurir le répertoire. "Colinda", un hit de Doc Guidry, sous forme de valse gravée en 1947 sur le label Fais Do Do de J.D. Miller, apporte une touche nostalgique par le biais d’un tempo lent. Le titre sera adapté par Dick RIVERS sur l’album Mississippi Rivers. Composé par Sam Theard et Felicia Moore (épouse de Louis Jordan), "Let The Good Time Roll" a été popularisé après-guerre par Louis Jordan avant d’être repris aux sauces les plus inimaginables (de Ray CHARLES à Jerry LEWIS en passant par B.B. KING jusqu’à plus récemment par DEEP PURPLE). Si l’intérêt d’une telle reprise pouvait paraître discutable, il s’agit en fait d’un énième clin d’œil à Clifton CHENIER qui reprenait la chanson dans un Live d’anthologie. Encore une fois, le jeu d’accordéon puise dans ceux de Chenier, Beau JOCQUE et Nathan WILLIAMS pour déboucher sur une farandole hyper-festive.

Si les deux protagonistes sont depuis devenus des musiciens reconnus à la fois par les programmateurs et les festivaliers, cet album lançait le retour d’un Zydeco aussi Revival que Rural, plein de sincérité et d’authenticité. Le duo retourne ici aux sources de la musique créole toujours sous une forme de respect communicatif. Les rythmes festifs des two steps alternent agréablement avec ceux des valses lentes, genre typique à la Louisiane. Si certains recueils de Zydeco sont classés sur l’étagère du Blues, celui-ci est rangé sur celle des musiques traditionnelles.


*Titre Homonyme à celui de Memphis Minnie.
**Titre homonyme à celui de John Lee Hooker.

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   LE KINGBEE

 
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- Cedric Watson (chant, fiddle)
- Corey Ledet (chant, accordéon, frottoir, triangle)
- Chas Justus (guitare)
- Dion Pierre (basse)
- Jermaine Prejean (batterie 1-2-3-5-6-7-8-9-10-11-12)
- Brad Frank (batterie 4)


1. Goin' Down To Louisiana
2. Broken Hearted
3. Ma Negresse
4. Black Snake
5. Colinda
6. Madame Faielle
7. Valse De Cherokee
8. Let The Good Times Roll
9. Canray's One Step
10. Mama Told Papa
11. Richard Two Step
12. Hungry Man Blues



             



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