Et de cinq ! Avec la sortie en 2008 de Love It Or Leave It se clôt l'une des histoires les plus intéressantes des musiques sombres hexagonales qui avait débuté tout juste deux décennies auparavant. Ce disque, sans doute plus que tout autre de RISE AND FALL OF A DECADE a une tonalité toute particulière. En effet, l'année 2007 a été endeuillée par la disparition du talentueux auteur Pierre-François Maurin-Malet. Ses voix étant déjà posées, l'album après les finalisations adéquates a pu cependant sortir. C'était donc une nouvelle occasion le cœur forcément quelque peu serré d'entendre sa voix reconnaissable entre toutes. A l'écoute de Love It Or Leave It, c'est bien naturellement l'esquisse d'un bilan qui se dessine. Un bilan, oui, mais qui se veut positif car il permet de nouveau d'apprécier le caractère profondément original et humain de ce parcours.

Même si cet album a été conçu dans des conditions bien particulières (et pour cause), il ne déroge pas à la règle que le trio semblait s'être fixée : être encore une fois comme hors du temps. Attention, hors du temps, oui, mais pas de façon anachronique, ni avec ce petit côté suranné. Les titres exposés n'évoquent, simplement en rien, ce qui pouvait en effet se faire en 2006-2008. C'est l'identité, l'essence même du groupe. RISE AND FALL OF A DECADE en artisan discret d'une pop intelligente avait de quoi encore susciter la curiosité. A bien y réfléchir, le recul aidant, Love It Or Leave It se situe donc majoritairement dans la continuation de Forget The 20th Century, le précédent album paru en 1997. Les amoureux comme moi des trois premiers albums se sentiront sans doute un peu orphelins car les ambiances aux allures pop drapées de froide mélancolie sont de fait plutôt rares.

Ce regard dans le rétroviseur pourra néanmoins se faire incontestablement à travers le nostalgique et instrumental "Plus Loin Encore" que l'on retrouvera dans le film du même nom de Stéphane DERDERIAN. Ces notes de piano et ces cordes rappellent opportunément pourquoi le projet a toujours réussi à être un discret créateur d'émotions subtiles. Ces dernières ont tout aussi bien le goût d'une guitare rageuse à l'image de "Girl Like You" que celui d'une section rythmique enlevée aux effluves so 90's ("The Great Communication Swindle"). Voici les rassurantes balises temporelles auxquelles il est facile de se rattacher. Pour le reste, le trio explore de nouvelles contrées musicales quitte à parfois décevoir quelque peu. Il faut dès lors mettre immédiatement de côté l'éreintant "Socks And Stocks" qui ne va nulle part avec ses pulsations electro qui sont cette fois-ci réellement surannées.

Heureusement, c'est la seule véritable fausse note ! Les autres tentatives de renouvellement ne tombent pas à plat. L'introductif "Again" où Maurin-Malet n'a jamais paru aussi vindicatif avec son agréable alliance electro et âpre guitare marque un point. Tout comme l'ironie qu'il manie avec délice. A ce titre, "Bagdad Is Shinning" est une petite réussite. Évoquer la guerre en mode easy listening est forcément décalé et surprenant. Par rapport aux précédentes productions, la tonalité générale est nettement plus sombre et directe. Les grands de ce monde par exemple dans "The Federation Of Love" et ses claviers prégnants en prennent pour leur grade. On pourra juste regretter que sur la plupart de ces douze titres, l'electro soit un peu trop présent, à l'instar des "Petites Baïonnettes" et son caustique "Ainsi font font font, les petites baïonnettes ...". Il est juste parfois un peu difficile de retenir la force mélodique d'un morceau, force mélodique qui est pourtant l'un des marqueurs majeurs du groupe depuis 1990.

L'écoute de Love It Or Leave It peut difficilement se dérouler sans tenir compte du contexte de son émouvante élaboration. Si ce dernier album n'est sans doute pas dans les productions les plus fortes de RISE AND FALL OF A DECADE, il ne démérite pas pour autant. Il me reste dès lors à remercier chaleureusement Sandy Casado, Thierry Sintoni et forcément Pierre-François Maurin-Malet pour avoir su créer un monde hautement addictif gorgé des plus belles émotions.

Note réelle :3,5/5