Au-revoir Atco, bonjour Arista. ENUFF Z’NUFF croule sous les dettes. Les ventes des deux premiers albums n’ont pas suffi à couvrir les frais de coiffeur et de styliste (et de clips et de tournées) et le groupe n’a pas d’autre choix que de se déclarer en faillite pour se libérer d’un contrat qui les liait à Atco pour six autres albums. John Kalodner (alias John Kalodner) leur propose de signer chez Geffen en reprenant tout à zéro pour tenter de se débarrasser des oripeaux stigmatisants du Hair Metal. Vie et Z’Nuff s’en mordent aujourd’hui les doigts mais ils préfèrent alors céder aux sirènes du mythique Clive Davis qui leur propose une coke de meilleure qualité et surtout un plus gros chèque. Le problème, c’est que Arista n’a pas de département rock et que Clive Davis, qui est loin d’être sourd, a avant tout flashé sur le talent de Donnie Vie (pour les balades) qu’il verrait bien écrire pour les stars de son écurie. Le mariage sera de courte durée.

La preuve que tout le monde se fout de EZN chez Arista, c’est bien cette pochette immonde avec une photo même pas nette. Le sémillant Vikki Foxx a planté le groupe au terme des sessions d’enregistrements pour aller rejoindre le projet solo de Vince Neil (il a au passage piqué du matériel à ses copains, une fâcheuse habitude qu’il réitérera en se taillant de chez l’Ex-MOTLEY CRUE) et a de fait été effacé du cliché. Et la perruque de Frigo qui bouffe les deux tiers du cadre, est-ce bien raisonnable ? En 1993 qui pouvait passer à la caisse après avoir tenu ce truc entre les mains, à part un couillon comme moi ?

Enough avec le contenant, que donne le contenu ? Autant le dire tout de suite, on est loin des cimes atteintes deux ans plus tôt sur le Mont Strength. Certes, les faux-frères Vie et Z’Nuff savent toujours écrire, "Superstitious", "One Step Closer to You" et "These Daze" (encore plus CHEAP TRICK que BEATLES, l’œuf ou la poule?) font le job en pilote automatique. Les deux balades ("Right By Your Side" et "Innocence") sont étincelantes, même si la seconde dégouline un peu trop de miel et "Rock N World" est bien trop bonne pour être placée en fin de disque (Allô Arista, il y a quelqu’un?). Mais comme beaucoup de leurs contemporains chevelus, EZN durcit le ton pour être raccord avec Seattle avec des compos plus lourdes et sombres ("Black Rain", "Master of Pain") qui manquent de naturel et contrastent à côté de la frivole "Love Train" et de la psychédélique "Takin’ a Ride". On pourrait louer l’éclectisme du skeud, on sent surtout un groupe perdu en mer sans boussole. La complexité des arrangements de Strength n’est plus qu’un lointain souvenir et Richie Zito signe une production lustrée ringarde estampillée 80’s. Ajoutez à ça le texte pro-life (anti-avortement) de "Mary Anne Lost her Baby" et même un fidèle de la première heure comme votre serviteur commence à tourner les talons.

Sans surprise, Animals with Human Intelligence est un échec cinglant. Arista congédie le groupe qui se retrouve à nouveau avec une ardoise monumentale. EZN clôt ici le chapitre des majors et commence une longue déchéance avec des labels indépendants de moins en moins prestigieux. Une spirale descendante à mettre en parallèle avec la consommation de drogues des addicts Frigo et Vie qui passent de l’alcool et de la cocaïne au crack et à l’héro. Derek Frigo donne sa démission pour aller chercher sa dose ailleurs. C’est officiel, ENUFF Z’NUFF a raté le coche.