C’est avec ce curieux objet que Dominique LAURENT débuta sa discographie. Commande de la Fédération Française De Danse, Suite Numérotée a pour but premier d’initier les novices aux différentes nomenclatures rythmiques. Il s’agit avant tout d’une œuvre pour piano solo constituée d’une quarantaine de pièces de chacune un peu plus d’une minute.

Chacune de ces quarante pièces présente un pattern rythmique particulier, avec des variations de nomenclature (la plupart binaires ou ternaires) mais aussi de placement des temps forts, de construction des rythmes voire de tempi, par exemple les pièces n°19 et 20 qui sont des accelerandi sur une phrase unique. Œuvre didactique, la Suite Numérotée est de complexité croissante, la seconde face proposant des alternances de binaire et de ternaire, des patterns à cinq puis sept temps, et enfin une structure libre (n°36).

Malgré son statut éducatif, la Suite Numérotée peut s’apprécier comme une œuvre musicale à part entière. On peut voir l’album comme une grande ballade musicale aux thèmes évolutifs. Le début de l’album est dominé par un petit thème guilleret en marche, et sa variation ternaire en mode mineur, lui donnant un caractère interrogatif, les deux versions se combinant parfois au sein d'une même piste. L’ensemble est entrecoupé d’une mélodie bien balancée à la Erik SATIE (n°2), d’un thème plus saccadé et dissonant (n°10) et d’une mélodie indolente et mélancolique (n°12 et 13). Les deux versions du thème initial s’étoffent vers la fin de la première face, jusqu’à l’irruption en pièce n°20 d’une étrange tournerie en accords de neuvième, qui sera développée plus tard, en n°29.

Le thème mélancolique fait son retour en amorçant la seconde face, en version ternaire, mais prend une tournure plus grave et triste à la pièce n°26. C’est à partir de là que la suite se fait plus versatile. Le retour de la tournerie à la n°29 mène à de nouveaux développements de la mélodie triste de la seconde face, sur des patterns plus complexes. Des passages plus optimistes font figure d’interludes (n°25 et 34). L’album est conclu par un passge jazzy puis un épilogue grandiloquent.

La redondance de cet album en limite forcément l’appréciation. La quasi-totalité de cet album est en Fa#! On perçoit néanmoins, au détour de quelques phrases musicales, la personnalité de Dominique LAURENT: la gravité de la pièce n°26, la grâcieuse mélodie méditative de la n°27, l’improvisation arythmique de la n°36 et le final n°40, qui préfigurent, même de loin en loin, les plus beaux passages de Azur Et Ténèbres et Fantasmusics.

2 ½ sur 5