« Gniiiiiiiiiiiiiiii, Crrrrrrrrr, Graaaaaiiiiiiiiiinnng, Iiiiiiiiiiii, Trrrrrrr. »

« Aaaah, mes oreilles saiiiigneuh ! »

Voici, en résumé, la réaction normale et usuelle du mélomane délicat à l’écoute du premier titre de l’EP Ventolin : le « Salbutamol Mix ». Richard D. JAMES, féru d’expériences nouvelles, aurait souhaité par le biais de ces sonorités écorchées nous faire découvrir les effets d’une overdose de Ventolin. Asthmatique lui-même, APHEX TWIN prend ici un malin plaisir à confronter l’auditeur à un déchaînement bruitiste insupportable, que seuls quelques illuminés apprécieront.

Pour le commun des mortels, vous, moi, l’Empereur, cette étrange livraison de l’année 1995 aura d’emblée un caractère repoussant :

« Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? »

Ce truc, c’est un chausse-trappe, un attrape-nigaud, un nœud coulant tendu au détour d’un chemin, un buisson d’épine, une vis qui dépasse, un papier tue-mouche dans la salle de bain, bref : un piège. Le « Salbutamol Mix » n’est là que pour égarer les timides, les autres continueront leur chemin, le sourire aux lèvres, bien décidé à vider cet EP loufoque de toute sa substance électronique (goinfre !).

L’orage passé, il ne reste plus qu’à vous étendre près de votre chaîne et laisser faire le déluge de sons. Du rythme bonhomme de « The Coppice Mix » au rire malsain du « Praze-An-Beeble Mix » en passant par l’étrange complainte animale du « Marazanvose Mix », l’amateur d’ambiances étranges et d’effets inédits trouvera à coup sûr son bonheur dans le dédale sonore de Ventolin. Attardons-nous tout de même sur le rire dérangeant de « The Coppice Mix ». L’improbable rieur, l’hilare inquiétant, le pervers plié en quatre, ne serait autre que la mère de Richard D. JAMES, samplée par un fils toujours prompt à dénicher les bruits hors du commun. Mes hommages madame.

Tour à tour horlogerie déglinguée, carnaval bizarre ou manège infernal, les six mix de Ventolin sont en totale rupture avec le placide pachyderme qu’est le Selected Ambient Works Volume II. Pourtant, tout n’est pas bon dans ce bouillonnement alternant le rythme et la mélodie. Le « Salbutamol Mix » : imbuvable, le début du « Praze-An-Beeble Mix » : plat comme la Hollande ou encore la lourdeur répétitive du « Plain-An-Gwarry Mix » tirent l’étrange Ventolin vers le fond.

Rendez-vous pour le Remix, coriace celui-là.