L’éclipse pour les EAGLES durera donc une décennie et demie, quatorze ans de vacances comme le décrit joyeusement le guitariste Glenn FREY en 1994, en introduction à leur retour sur scène en grandes pompes sous format quintet pour une soirée filmée par MTV dans la veine des Unplugged qui connaissent un grand succès à cet instant précis.

Le groupe californien vit plus ou moins bien ce hiatus. FREY est celui qui s’en sort le mieux, parvenant à conjuguer efficacement sport et succès solo. Don HENLEY, après une période délicate sur le plan personnel, vendra également beaucoup de disques en son nom, dont le fameux Building the Perfect Beast contenant le hit "The Boys of Summer". Joe WALSH, après un premier album efficace, luttera contre ses démons toxicomanes et alcooliques, manquant d’y laisser la vie. Avant une reformation inattendue donc, fruit d’un travail méthodique réalisé par leur manager Irving Azoff, ce dernier ayant remarqué que le country était au centre d’un revival en ce début d’années 90 et que les EAGLES auraient tout à fait leur mot à dire au vu de leur statut. Et surtout à y gagner pécuniairement parlant.

Parallèlement à ses activités musicales, Don HENLEY avait fondé le projet Walden Woods, destiné à empêcher la construction de deux sites immobiliers sur le site du lac Walden dans le Massachusetts. Cette réalisation va contribuer de manière décisive à son rabibochage avec FREY. Le temps a fait son œuvre et ce, malgré HENLEY lui-même qui affirmait pourtant que les EAGLES ne se reformeraient que lorsqu’il gèlerait en enfer, titre finalement choisi pour ce nouvel album, constitué majoritairement de morceaux enregistrés lors de cette fameuse soirée filmée par MTV, ultime répétition grandeur nature avant une gigantesque tournée générant chez le batteur un stress inhabituel qui lui fera même oublier un couplet !

Le set est divisé en deux parties bien distinctes. En premier lieu, le groupe californien propose une série de chansons à dominante acoustique, dont une relecture inédite du classique "Hotel California" offrant une longue introduction hispanisante accompagnée de percussions puis enchaîne ensuite sur des titres plus électriques. Outre la présence remarquée de l’orchestre philharmonique de Burbank, on note aussi des emprunts aux répertoires solo des membres des EAGLES ainsi que quatre nouveaux morceaux, disponibles sur DVD/VHS et qui seront réenregistrés en studio pour compléter Hell Freezes Over. Outre cet "Hotel California", les épiques "New York Minute" – avec un très beau solo de trompette – et "I Can’t Tell You Why" se détachent nettement, pour un disque me semblant un poil plus intéressant que le précédent live qui avait été mis à disposition physiquement, surtout la partie acoustique, véritable écrin permettant aux aigles de prendre efficacement leur envol.

Le disque, sorti en 1994, fera un carton monumental, s’écoulant à neuf millions d’exemplaires et entrant directement à la première place du Billboard. L’un de ses inédits, le mignon "Love Will Keep Us Alive" atteindra même la tête du classement Contemporary Adult. Une nouvelle source de tensions au sein des EAGLES car la chanson, proposée par FELDER dans les années 80 en vue d’un nouveau projet musical dans lequel figurait notamment Timothy B. SCHMIT n’avait pas été jugée assez solide à l’époque par Irving Azoff mais elle sera pourtant intégrée au répertoire de Hell Freezes Over quelques temps plus tard.

L’état de grâce n’aura pas duré longtemps. Et Don FELDER en fera bientôt les frais.