Il n'est peut-être pas besoin de refaire le parcours de Michael KAMEN antérieur à 1990, mais on constate quand même qu'après ses deux passages chez PINK FLOYD, les années 80 lui ont permis d'accélérer niveau cadence et succès dans le domaine de la musique de film. D'abord grâce à David Cronenberg (Dead Zone en 83) et Terry Gilliam (deux films dont Brazil en 85), le prodige tant aimé des rockeurs (bientôt metalleux) s'illustre ensuite tout spécialement depuis 86 du côté des films d'action : Highlander, Piège de Cristal (et plus tard les suites Die Hard), James Bond/Permis de Tuer, mais aussi toutes les Arme Fatale sortis de son vivant, donc quatre vu qu'il décède en 2003.

Dans cette période si importante pour lui, il ne tient pas à lâcher davantage les œuvres plus modestes, sans images, ni même son ancien carnet d'adresses. Après tout, pour l'Arme Fatale premier du nom en 87, il avait déjà retrouvé avec bonheur ses vieux amis Eric CLAPTON et surtout David Sanborn, saxophoniste qu'il connait depuis le début des années 70, époque du NEW YORK ROCK & ROLL ENSEMBLE et son album solo New York Rock. En 1990, KAMEN écrit un Concerto pour Saxophone Alto pensé spécialement pour Sanborn en trois mouvements, qu'il enregistre avec le National Philharmonic Orchestra britannique, comme pour ses expériences avec PINK FLOYD/Roger WATERS ainsi que Terry Gilliam, et dirigé par lui-même.

Le gros morceau et une raison suffisante pour l'écoute/achat de l'album, c'est bien évidemment le "First Movement" d'une durée d'un quart d'heure. Ouvert par un premier thème éblouissant, Sanborn mettant déjà toute sa force dans des aiguës majestueuses, on note par le crescendo tout le talent de KAMEN désormais plus que rôdé au 7ème art. Cette contemplation se poursuit en valse plus appuyé, en thème plus aventure et magistral avec des touches médiévales, cuivres, percussions... De son côté, Sanborn est omniprésent, virevolte, offre une partition presque fusion dans cette musique trop basiquement appelée 'classique'. Après une partie plus brumeuse-planante sur fond de cordes graves et un allègement qui ne fait qu'amener de nouvelle vagues progressivement, le thème glorieux du début revient compléter ce qui se présente comme un morceau à part entière.

Le "Second" et le "Third Movement", plus court, s'enchaînent eux avec, pour le premier, des phrasés jazzy plus nets dès le départ, avant que le piano ne prenne le relais. Un romantisme très cinématographique façonne la suite, appelle la corde sensible de l'auditeur sans que jamais le sax de Sanborn ne cesse ses prouesses. Un an plus tard et sans lui pourtant, KAMEN fera encore très fort en la matière avec le blockbuster Robin des Bois, Prince des Voleurs ! Les roulements gracieux en rythme ternaire du "Third Movement" avec un jeu de cordes très fin et un instrument soliste doux, presque innocent achèvent ce moment musical si précieux, tout en mélodies optimistes, dynamiques, et sans oublier une reprise finale du thème de départ.

L'expérience pourrait s'arrêter là mais elle ne constitue qu'une face de vinyle, et l'orchestre ne revient pas ensuite cependant. La face B est réservée à des morceaux plus courts servant plus ou moins à meubler, avec une formation plus simple, orientée jazz-rock mais pas très rock pour autant, dont le but est toujours de mettre Sanborn à l'honneur. Pino Palladino tient les lignes de basse de type fretless avec beaucoup de miaulements donc, tandis que les batteurs Andy Newmark et Gary Wallis se succèdent avec Ray Cooper pour les assister aux percussions. Que des musiciens de renom, complétés par KAMEN et ses claviers, son hautbois (instrument premier dans sa carrière) pour "Sandra" et son saxophone ténor pour seconder David le prodige sur "Zoé".

Sur ces morceaux plus ("Helen-Claire") ou moins ("Zoé") ambitieux, l'inspiration puisée dans la féminité varie autant que les prénoms pour les titres (respectivement et à la suite, ceux de sa mère, ses deux filles et sa femme) ou bien les préposés aux parties de guitare : Terry Reed pour le moins connu, Elliott Randall mais aussi et surtout David GILMOUR pour "Sasha" ainsi que Eric CLAPTON pour "Sandra". De bonnes compositions, parfois aux influences latines mais de préférence sous forme de ballades, pas plus mémorables que cela. Retenons la belle tendresse de "Zoe" et la finesse des soli de "Sandra", CLAPTON oeuvrant mieux que personne avec David Sanborn.

Ce dernier ferme enfin le disque avec les claviers-cordes de KAMEN sur "Waiting for Daddy", rêverie sombre plaisante, comme tant d'idées dans cet album même si une seule moitié s'inscrit dans un caractère définitif. C'est un bel effort, très beau pour sa première face, et à découvrir pour le talent de deux musiciens bien entourés. L'un joue d'un instrument peu usuel comme soliste dans la musique orchestrale (et qui peut se révéler élégant tout autant que criard, y compris dans les mains d'un virtuose présent sans temps mort), l'autre a tout décidé et soumet à l'auditeur esthète ses propres images sans l'aide de personne. Conscient qu'une telle oeuvre peut difficilement éveiller l'intérêt des foules, même par le biais d'une VHS documentaire sortie l'année suivante, KAMEN écrit et enregistre néanmoins par la suite, en 1998, un deuxième concerto dédié cette fois à la guitare électrique.

Note réelle : 3,5