Point n’est besoin d’être grand devin devant l’éternel pour deviner qui se cache derrière cette chatoyante pochette bleutée. Un fan des mouvements impressionnistes? Une année seulement après Mercy, son opus collaboratif, l’homme à la mèche folle John CALE, grand papa de tous les mouvements alternatifs, se remet au boulot à plus de huitante deux printemps ! Voilà qui laisse rêveur, non? Pour ceux qui pensaient qu’il n’allait pas dépasser les années septante pour le moins ! De toutes manières, il va de soi que John n’a plus rien à prouver depuis belle lurette, et c’est du fond de son antre de Los Angeles qu’il produit son nouvel album, le 18ème.

Deux singles partent en héraut de cette livraison. C'est le piano quasi drone de "How We See The Light" qui ouvre le bal. Ah pardon, c’est John qui a inventé ce genre. L’ambiance est quasi synth pop avec des effets qui ont dû influencer plusieurs générations de claviériste. On pense a O.M.D ou même à DEPECHE MODE. La voix de John CALE est restée intacte, malgré les années. Une introduction sympa. "Shark Shark" n’en peut plus de renouer avec les trademarks du VELVET UNDERGROUND, même après toutes ces années. Même la gratte est bien crado, comme son cher ennemi Lou aimait à la faire, c’est à n’y rien comprendre.

Enorme percussion et basse balancent une comptine que n’aurait pas renié Robert Smith, un autre de ses descendants directs, et "God Made Me Do It" le fait carrément pour introduite ce nouvel album. On aime la lenteur calculée de cette compo dans laquelle on trouve plaisir à se noyer. Voilà une petite merveille d’esthétique. Du fond de son abîme de noirceur, jaillissent parfois d’étranges mélodies. Iil en est des 'toudoudou' de "Funkball The Brewster", ces quelques notes se répétant à l’infini et invitant à une contemplation. Pas de doutes, John CALE est toujours vivant, même si on l’imagine volontiers charrié par Charon et en train de traverser le Styx.

Et puis cette éternelle tentation pop ! Comment analyser une démarche pareille ? On laissera aux générations futures le soin de se perdre devant l’oeuvre de John, en attendant "Davies and Wales" reste agréable à l’écoute, même si un brin trop robotique. D’ailleurs, "Edge Of Reason" sonne presque Trip hop. John serait-il aussi le papa de PORTISHEAD et de MASSIVE ATTACK? Damned ! Pour moi, il se perd en chemin. Cette fois, c’est une certitude : le trip hop imprègne "Setting Fires" : cette hésitation permanente, cette pulsation chaotique, tout est là.

Et des petites perles de psychédéliques aiguës, voyez vous ! Ecoutez-le déclamer "Calling You Out" avec cette basse aquatique et ces harmonies improbables et répétitives. Il faut du LSD pour apprécier ce genre de son... déconseillé. Sur "I’m Angry", le clavier est clairement travaillé à la WEED, on sent John plus hésitant qu’énervé. Basse et synthé sont à l’unisson d’une ode aux substances illicites sur "All To The Good" puis "Laughing In My Sleep" m’endort sur un faux rythme.

Parfois, on se marre. Le piano qui nous fait toute une octave sur "There Will Be No River" ! C’est marrant non ? Mais ça marche du feu de dieu ou c’est moi qui délire, les gars ? Je déconne, notre John ne se marre que lorsqu’il se mouche, et jamais entre les repas, faut pas déconner ! Enfin, le magma qui règne sur
"Company Commander" est tout de même révélateur du talent unique de John CALE, un simple double accord de clavier et des percussions qui auraient influencé des générations de groupes industriel ? Ach zo ! La voix du maître trône au-dessus de cette étrange bouille sonore, la bonne parole quoi.

John CALE a arrêté les psychotropes depuis un bail. Pourtant, je vous jure que notre Nosferatu national hurlerait à la cantonade qu’il est complètement cramé du bulbe malgré ses 82 ans. Il faut admettre que tout ceci sent bon toute une chiée de psychotropes en tous genres ! C’est comme Obélix, John est tombé dedans quand il était tout petit – à débuter par les opiacés dans son enfance ! – et les effets sont toujours présents. Une oeuvre étrange et bigarrée à la hauteur de son créateur, qui contient plusieurs titres excellents et d'autres moins potables. J'opte pour un trois qui ne signifie rien, je vous l’accorde.